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De la trace à l’apparition, la prière photographique

Chaque semaine, Entre-Temps accompagne la diffusion du dernier numéro de « Faire l'histoire », le nouveau magazine d'Arte qui raconte l'histoire à partir des objets. L'historien·ne présent·e à l'écran exhume un article, des images, une vidéo pour prolonger l'épisode, plus loin, ou ailleurs. Pour le deuxième volet consacré au suaire de Turin, Yann Potin invite à la lecture d'un article de l'historien Pierre-Olivier Dittmar et intitulé « De la trace à l’apparition, la prière photographique ».

Pour Pierre-Olivier Dittmar, le linceul du Turin est en effet « cet étrange objet qui, depuis un siècle, ne cesse d’être résolument contemporain ». Le nouveau dispositif d’ostension de la relique-icône dans la cathédrale de Turin, à l’instar d’une tablette digitale dont il serait le prototype mythique, accomplit autant qu’il accompagne, l’acclimatation des images saintes à l’environnement numérique : l’enquête sur les usages sacrés de la photographie numérique prolonge et actualise la réflexion sur les révélations argentiques consacrant le Suaire comme « relique pour le XXe siècle ».

De la trace à l’apparition, la prière photographique

La scène se déroule le 15 août 2010, dans l’ancienne cathédrale de Tbilissi, capitale de la Géorgie. Dans le fond de l’église, mon regard est attiré par deux femmes, sans doute une mère et sa fille, qui se tiennent devant une icône. La plus âgée, avec son téléphone portable, filme une à une les petites scènes qui se trouvent autour de l’image principale. Toutes les deux pleurent. Frappé par cette scène, et bien qu’un peu gêné, je me décide à la photographier.

Deux femmes prient avec un smartphone, ancienne cathédrale de Tbilissi, 2010 – © Pierre-Olivier Dittmar

Le pope, ou du moins un religieux attaché à l’église, m’interrompt à haute voix, me rappelant qu’il est interdit de prendre des photos dans l’église. Que faisaient ces femmes ? Où commence et où s’arrête la photographie dans ce cas ? Pour moi, pour ces femmes, pour le pope ? Dans la fraîcheur de ces vieux murs, j’ai le sentiment confus qu’une pratique émerge et met en crise ce que je savais de la photographie. Dès lors, cette scène invite à penser les usages dévotionnels de la photographie dans la longue durée, pour mieux saisir les conséquences du changement récent de matérialité du médium – passage de l’argentique au numérique – pour ces pratiques. […]

Lire la suite de l’article dans la revue « Archives des sciences sociales des religions ».

Découvrir aussi « Pourquoi faire l’histoire du Suaire de Turin ? », l’entretien donné par Yann Potin au magazine L’Histoire.

Publié le 20 avril 2021
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