Façonner

L'histoire sous vitrine: la boîte de La Contemporaine

Entre-Temps se prête au jeu d'un nouveau format : le récit d'une mise en vitrine de l'histoire. Dans un musée, dans un métro, dans un resto ou tout simplement dans son salon, l'histoire se donne aussi à voir sous vitrine. Il s'agit, dans cette nouvelle série, d'explorer les motifs d'une écriture exposée de l’histoire, à partir de la photo prise d'un de ces espaces devant lesquels on s'arrête. Aujourd'hui, on regarde une boîte.

Philippe
La boîte de La Contemporaine. Photographie de l’auteur

La vitrine est au beau milieu de l’Atelier de l’histoire qui constitue le parcours de l’exposition permanente du nouveau bâtiment de La Contemporaine (ex-BDIC) sur le Campus de l’Université de Paris10, au sortir du RER. C’est un parcours attentifs aux histoires individuelles et à leurs traces dans l’histoire collective, un récit par petites touches, très incarnés, par exemple dans un très remarquable ensemble sur le militant anticolonialiste Henri Martin (1927-2015), objet d’un procès pour son engagement pour le peuple « indochinois » en 1950 qui suscita une très forte mobilisation.

Au cœur de ce peuple des archives, de ces traces de soulèvements qui constituent les si précieuses collections de La Contemporaine, il y a cette cage de verre avec dedans une simple boite. Elle surprend car ici l’histoire ne se lit pas dans un document, dans une photographie, dans une médaille ou une affiche mais dans l’objet le plus commun pour le chercheur, celui de l’infra-ordinaire de la recherche, le carton. La vitrine contient un simple carton qui n’est pas l’œuvre d’un artiste minimaliste, mais un contenant administratif. Si les Archives nationales avaient consacrées une magistrale exposition temporaire à l’histoire des déplacements et des spoliations d’archives (Une expérience du chaos : destructions, spoliations et sauvetages d’archives, 1789-1945), cette vitrine fait pour la première fois et durablement entrer dans une vitrine d’un musée d’histoire la boite comme archives patrimoniales. Cet objet est en effet celui spolié par les nazis dans les locaux de la Ligue des droits de l’homme pendant l’Occupation, emmené à Berlin, puis en 1945, emporté comme butin par l’Armée rouge à Moscou et finalement restituée à la fin des années 1990 à la LDH après des négociations de plusieurs années entre la France et la Russie. Avec cette boite, c’est aussi le travail des archivistes et des historien.nes des archives qui est rendu visible : bref, une vitrine pour ne plus seulement regarder la cote sur la boite pour vérifier que la commande est la bonne mais comme source et matière d’histoire.

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Publié le 7 juin 2022
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