L'histoire sous vitrine : la Nasotek de Copenhague
Entre-Temps se prête au jeu d’un nouveau format : le récit d’une mise en vitrine de l’histoire. Dans un musée, dans un métro, dans un resto ou tout simplement dans son salon, l’histoire se donne aussi à voir sous vitrine. Il s’agit, dans cette nouvelle série, d’explorer les motifs d’une écriture exposée de l’histoire, à partir de la photo prise d’un de ces espaces devant lesquels on s’arrête. Cette semaine, Louise Gentil nous emmène à Copenhague pour nous faire découvrir une collection assez surprenante.
À Copenhague, au détour d’une visite de la Glyptothèque, il est possible de tomber nez à nez avec une étonnante vitrine trônant seule au milieu des statues romaines : la Nasothèque. Si toutes les sculptures du reste de la collection sont exposées au grand air, sont ici étonnamment rassemblés sous verre une centaine de nez et d’oreilles cassées.
Au premier regard on pense que sont ici rassemblés les nez antiques correspondants aux statues des salles environnantes. Il n’en est rien. Ces appendices de marbre et de plâtre sont témoins du temps où l’on rajoutait aux statues antiques les morceaux qu’elles avaient perdu lors du voyage séculaire qui les a menées jusqu’aux salles des musées.
C’est l’ancienne pratique des restaurateurs et restauratrices qui est ici historicisée et mise en regard des statues qu’on préfère aujourd’hui exposer sans retouche. Cette collection incongrue permet donc d’imaginer le nombre de nez, bras et autres membres factices, fabriqués entre la fin du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle, qui peuplent aujourd’hui les réserves des musées. Ouverte au public depuis 1897, la Glyptothèque est particulièrement concernée car elle abrite une très riche collection de statuaire antique qui a été abondamment restaurée par ajouts de parts manquantes aux statues pendant une centaine d’années puis dé-restaurée au tournant du XXIe siècle.
S’il était inenvisageable d’exposer une statue mutilée il y a encore quelques décennies, les pratiques et les attendus de restauration des œuvres ont changé. Ce musée danois a trouvé par la mise en scène sous verre de ces néo-rebus un moyen de donner à voir du même coup la longue vie de ses statues elles-mêmes, l’histoire de la conservation et la transformation de la muséographie.