Exhumer

Conseils de lecture pour temps de fêtes

Élisabeth Schmit

Aurélien Peter

Gil Bartholeyns

Rémy Besson

Louise Gentil

Lucie Moruzzis

Élisabeth Schmit

Élisabeth Schmit est agrégée d’histoire et docteure en histoire du Moyen Âge. Elle est l’auteure d’une thèse sur la transformation des institutions judiciaires en France après les bouleversements de la guerre de Cent ans (Paris 1 / Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris) et s’intéresse plus largement à l’histoire des pratiques judiciaires à la fin du Moyen Âge. Après avoir enseigné à l’Université Paris 1 et à l’Université de Franche-Comté, elle occupe entre 2019 et 2021 le poste ATER attaché à la chaire du Pr. Patrick Boucheron au Collège de France. Elle a par la suite mené un projet de recherche post-doctorale sur la représentation en justice à la fin du Moyen Âge, à travers l’étude des usages de la procuration au parlement de Paris (LabEx Hastec / Archives nationales). Elle est rédactrice en chef de la revue.

Aurélien Peter

Aurélien Peter est agrégé d’histoire et doctorant en histoire moderne. Il termine actuellement sa thèse sur la maîtrise de l'information dans les greffes du parlement de Paris à l'époque moderne (sous la direction de J.-M. Le Gall - Paris 1 / IHMC) et s’intéresse plus largement à l’histoire sociale des pratiques administratives et judiciaires. Après avoir enseigné à l’université Paris 1, il occupe depuis la rentrée 2023 le poste d’Attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) lié à la chaire "Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, 13e-16e siècle" de Patrick Boucheron au Collège de France. Il dirige la rédaction de la revue.

Gil Bartholeyns

Gil Bartholeyns est maître de conférences à l’université de Lille où il a occupé la chaire CNRS/université de culture visuelle de 2010 à 2015. Il enseigne à la Faculté des Sciences historiques, artistiques et politiques et anime depuis 2010 le séminaire « Culture matérielle et visuelle à l’Ecole doctorale Lille Nord de France ». Il est corédacteur en chef de Techniques & Culture, responsable de rubrique à Terrain, membre des comité de rédaction de Modes Pratiques et Civilisations. Il a collaboré à L’Histoire, Critique, Le Débat, Le Magazine Littéraire et a publié notamment Image et transgression au Moyen Âge (PUF, 2008), La Performance des images (Bruxelles, 2011), Politiques visuelles (Presses du réel, 2016).

Rémy Besson

Rémy Besson a mené une thèse en histoire à l’EHESS portant sur la mise en récit du film Shoah de Claude Lanzmann. Celle-ci a été publiée (MkF Éditions) et a conduit à la réalisation d’un documentaire de Catherine Hébert: Ziva Postec, la monteuse derrière le film Shoah (2018) dont il est le conseiller historique et un protagoniste. Il a été chercheur postdoctoral au CRIalt (UdeM, 2012-14), puis au LLA-CREATIS (Toulouse II, 2014-15) et à TECHNÈS (UdeM, 2016-2020). Il enseigne et travaille actuellement à l’Université de Montréal dans le cadre du partenariat international de recherche TECHNÈS. Ses recherches portent sur les rapports entre le cinéma et l’écriture de l’histoire à l’ère du numérique.

Louise Gentil

Louise Gentil est historienne médiéviste. Elle prépare actuellement une thèse, sous la direction conjointe de Laurent Feller (LaMOP – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Paolo Grillo (Dipartimento di studi storici – Università degli Studi di Milano), qui s’intitule « Écrire la terre » et porte sur l’administration foncière de l’abbaye cistercienne de Chiaravalle (Lombardie) entre XIIe et XIVe siècles. Elle s’intéresse plus largement à l’histoire de l’économie médiévale, mais aussi à l’organisation des espaces ruraux. Après avoir enseigné de 2018 à 2022 à l’Université Paris 1 comme doctorante contractuelle puis ATER, elle est désormais pensionnaire de la fondation Dosne-Thiers.

Lucie Moruzzis

Lucie Moruzzis est relieure, conservatrice-restauratrice spécialisée dans les documents reliés et docteure en histoire et archéologie du livre rattachée au Centre Jean Mabillon (École nationale des chartes) et au centre Gabriel Naudé (ENSSIB). Ses travaux portent sur les stratégies et les modalités pratiques de la conservation des documents reliés à travers le temps au sein d’établissement communautaires religieux et laïcs. Elle s’est plus particulièrement intéressée à la conservation des archives de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés et à celle des ouvrages provenant de la bibliothèque enchaînée du collège de Sorbonne. Elle exerce à l’atelier des Archives nationales et enseigne auprès des étudiant⸱e⸱s en conservation-restauration à l’université Paris 1.

À mettre dans une chaussette ou sous le sapin, à lire au chaud à toute heure, à partager sans modération : des romans, des bandes dessinées, de l'essai, du récit. En ce temps où les fêtes approchent, les membres de la rédaction d'Entre-Temps dévoilent leurs conseils de lecture. De quoi faire en attendant la reprise des publications début janvier. Bonnes lectures et bonne fin d'année à toutes et tous !

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ROMAN – Anne Cuneo, Le maître de Garamond, Orbe, Bernard Campiche, 2002, 620 p.

Garamond, c’est l’une des innombrables polices de caractères de nos ordinateurs. Mais Claude Garamont (avec un t, comme Dupont), c’est avant tout un typographe de génie, un graveur de caractères, actif dans la première moitié du XVIesiècle. Il a évolué au sein du milieu fourmillant des imprimeurs humanistes parisiens, tout au long de la rue Saint-Jacques, alors que la jeune technique de l’imprimerie rendait encore tout possible. Le maître de Garamond est une plongée passionnante dans cet univers. Les lecteurices y croisent François Rabelais, Clément Marot, mais surtout Antoine Augereau, imprimeur érudit et éditeur de Marguerite de Navarre, qui paie de sa vie son engagement humaniste après l’affaire des placards (1534). À travers le regard du jeune Claude Garamont, on explore le Paris des imprimeurs, l’oreille attirée par le bruit régulier des presses et le cliquetis incessant des compositeurs qui jonglent avec les caractères, tandis que l’odeur de l’encre fraîche chatouille nos narines.

Appuyé sur des faits documentés, ce roman réussit le pari de l’immersion dans le milieu artistique, artisanal et intellectuel de la fabrique des livres imprimés. Les lecteurices voraces pourront assouvir leur appétit typographe en ajoutant au pied du sapin le très bel ouvrage de Rémi Jimenes intitulé Claude Garamont, typographe de l’humanisme paru en 2022.

Lucie Moruzzis

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BANDE DESSINÉE – Étienne Davodeau, Loire, Paris, Futuropolis, 2023, 104 p.

De l’eau, un humain, des oiseaux, le courant, des discussions, un arbre, des cendres, une femme, celles et ceux qu’elle a aimé, sa maison, des choix et la vie. C’est l’histoire de tout cela ensemble que dessine et écrit Étienne Davodeau dans Loire, une histoire de socio-écosystème. Les ciels sont doux, la lumière magnifique et le moment de vie important.

Un livre qui parlera tant à celle qui raffole des émotions nichées dans les vies en plusieurs actes, qu’à l’amoureux des paysages. Les méandres du fleuve y croisent ceux des humains qui le côtoient pour dessiner un panorama profond. Une belle goutte d’eau à offrir en cadeau !

Louise Gentil

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ESSAI – André Gunthert, Pourquoi sourit-on en photographie ?, Lyon, Éditions deux-cent-cinq, 2023, 79 p.

Un livre pour comprendre pourquoi vous allez sans doute sourire sur les photos que l’on va prendre de vous durant les fêtes de fin d’année et pourquoi vous allez peut-être inviter les autres à sourire en disant « cheese » au moment de les prendre en photo. André Gunthert, historien de la photographie et plus largement de la modernité visuelle élucide « l’énigme du sourire phonographique » depuis les débuts de la photographie au XIXe siècle jusqu’au sourire vernis et forcé de notre époque. Et il la raconte avec la profondeur critique nécessaire à toute histoire culturelle, entre préjugés populaires et croyances scientifiques. Le sourire, en photographie, n’a été rendu possible ni par la conquête de l’instantanéité de la prise de vue, ni par l’amélioration de l’hygiène dentaire. Longtemps, le sourire, comme la gesticulation et l’excès, revient aux fous, aux érotiques, au Noir rendu hilare par la publicité blanche ; l’air grave et composé, lui, revient à la bourgeoisie pleine de vocations, surtout dans la photographie en atelier, alors que la photographie vernaculaire, celle des scènes de la vie quotidienne, laisse voir tôt des femmes et des enfants égayés. Le sourire témoigne d’une révolution de l’« expressivité » et de la « présentation de soi » que décrit cet essai vif, complet et limpide. Le sourire est ce qui, dans le visage, manifeste le passage d’une société de la présence à une société de la communication.

Ce petit livre donne à réfléchir et le sourire !

Gil Bartholeyns

(Photographie : A. H. Poole, Tennyson, Lord of smiles, vers septembre 1932. National Library of Ireland, Poole Photographic Studio, Waterford, 3938)

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ROMAN – Hervé Le Tellier, Moi et François Mitterrand, Paris, Gallimard, 2023 (rééd. augmentée), 112 p.

En 1983, Hervé Le Tellier adresse avec un peu de retard ses félicitations à François Mitterrand pour l’élection présidentielle. Après quelques lettres, une amitié épistolaire chère au narrateur se forme et perdure, jusqu’à aujourd’hui. Aujourd’hui. Vous avez bien lu. D’autres échanges débutent en cours de route avec les successeurs de François : Jacques, Nicolas, l’autre François et Emmanuel, même si le ton n’est pas toujours aussi cordial avec les uns qu’avec les autres. 40 ans à conseiller les présidents, voilà comment le narrateur décrit sa correspondance, lettres de l’Élysée reproduites en quadrichromie à l’appui.

C’est dans le contenu de ces lettres que réside tout l’intérêt du petit livre d’Hervé Le Tellier, membre de l’Oulipo. Publié pour la première fois en 2016 il a été réédité en 2023, augmenté des derniers échanges avec le Président en fonction. Un livre amené à évoluer dans le temps, donc, qui nous fait souvent sourire, qui parfois nous glace, car le narrateur aux propos candides n’a pas une vie très heureuse. Enfin, au-delà du burlesque et de l’absurde, Hervé Le Tellier interroge notre rapport aux textes et aux interprétations qu’on en fait. L’envie de lire entre les lignes ce que l’on pense, ce que l’on espère, ce qui confirme nos préjugés est parfois forte, trop forte, et prend le pas sur le réel. De quoi questionner avec humour nos pratiques documentaires.

Aurélien Peter

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BANDE DESSINÉE – Mélanie Leclerc, Contacts, Outremont, Mécanique générale, 2019, 113 p.

La bande dessinée autobiographique Contacts est le résultat d’un travail mené pendant près de sept ans, d’abord été édité à compte d’auteur en seulement 100 exemplaires (2017). Depuis, une réédition chez Mécanique général (2019) et une certaine reconnaissance auprès du public et de la critique sont venues ! Ce projet singulier de Mélanie Leclerc porte sur sa relation avec son père, Martin Leclerc (lui-même fils du célèbre chanteur Félix Leclerc !) : un chef opérateur de cinéma documentaire québécois ayant travaillé à l’Office national du film du Canada (ONF) entre les années 1970 et 1990, notamment sur La bête lumineuse de Pierre Perrault (1982). Le récit proposé croise l’histoire intime d’une famille sur une vingtaine d’années (1982-2004) et la transmission des gestes de création, principalement autour de la photographie, sans épargner les protagonistes de l’histoire. Notons, pour conclure, que la publication se ferme par une annexe composée d’une série d’une dizaine de photographies de Martin Leclerc.

Si vous voulez en savoir plus, je vous conseille aussi la dernière bande dessinée de l’autrice – Temps libre, 2020 -, qui revient de manière détournée sur son désir de création.

Rémy Besson

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RÉCIT – Alice Mendelson, Laurent Joly, Une jeunesse sous l’Occupation, Paris, Grasset, 2023, 120 p.

Sur le bandeau qui recouvre la couverture, une petite fille, apprêtée, nous fixe avec gravité. Elle est entre ses deux parents : sa mère, à sa droite, nous regarde avec un peu de recul, au contraire du père, très droit face à l’objectif. Le titre du livre et leurs regards, juste en dessous, saisissent un peu. Et en même temps il y a quelque chose de drôle, dans les joues très rondes de la fillette, dans les cheveux hauts du père, dans l’infime sourire de la mère. La jeunesse racontée dans le livre, c’est celle d’Alice, entre ses deux parents, dont l’un lui fut enlevé. Dans ce livre écrit avec Laurent Joly, historien spécialiste du régime de Vichy, elle en offre un court récit qui est, un peu étrangement, à la fois très simple et très détaillé. Peut-être faut-il être deux pour arriver à tenir cet équilibre subtil : confier, témoigner et informer d’un même mouvement. On sort de ce livre reconnaissant aux deux auteurs de nous avoir embarqué dans cette brève et si intense traversée.

Élisabeth Schmit

Publié le 19 décembre 2023
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