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Cases-mémoire, images-mémoire(s) de la colonisation

En 1965 était rééditée "La Griffe noire" de Jacques Martin, chez Casterman : en repartant de la puissance agissante de sa couverture, découverte dans son enfance, l'historien et spécialiste de la bande dessinée Vincent Marie remonte, d'Alix à Tintin, de la griffe noire à l'homme-léopard. Il explore ainsi, pour Entre-Temps, les cases et images-mémoire de la colonisation.

À l’âge de 10 ans, j’ai été sidéré par la couverture de la Griffe noire, cinquième album de la série Alix écrit et dessiné par Jacques Martin. Paru initialement en 1959 puis réédité en 1965 par Casterman, trois ans après la fin de la guerre d’Algérie, La Griffe noire raconte une histoire de vengeance.

Voici les faits : à la suite d’un malentendu et d’un malheureux concours de circonstances, une ville de la côte est de l’Afrique du Nord, Icara, est détruite sans raison par les Romains. À Pompéi, une poignée de survivants, conduits par le mage Rafa, va entreprendre d’empoisonner les responsables du massacre. Sur cette couverture Alix marche d’un pas décidé dans le jardin d’une propriété, observé par un homme cagoulé. Ce dernier, perché sur un arbre, occupe le premier plan de l’image et tient dans la main droite une griffe qui donne son titre à l’album. Alix semble courir un grave danger. Sans doute la composition de l’image me fascinait et me faisait peur en même temps.

Martin Jacques, La Griffe noire, Casterman, 1965 et croquis préparatoire réalisé par Jacques Martin

Dans ce récit, Jacques Martin « voulait raconter l’histoire d’une vengeance par empoisonnement. Le poison était une arme très répandue dans l’Antiquité. On vit même des empereurs romains prendre l’habitude de faire goûter par des esclaves les mets qui leur étaient servis, parce qu’ils vivaient dans la hantise perpétuelle d’être empoisonnés », explique-t-il[1]. Pour construire la narration de ce nouveau cycle dans la série Alix, il lui fallait trouver un motif vraisemblable, se rapprochant le plus possible de faits historiques : « après avoir balancé entre plusieurs idées, je me suis arrêté à l’hypothèse des sévices injustement commis par des officiers romains dans une ville proche de Carthage. Ainsi prit forme l’horrible récit de la destruction d’Icara, provoquée par une suite d’affreux malentendus »[2].

Prête à déchirer la tunique rouge du héros de Jacques Martin, cette griffe qui recelait un poison paralysant me faisait cauchemarder, comme Alix, personnage central de la bande dessinée.

Martin Jacques, La Griffe noire, Casterman, 1965.

Enquêtant plus en profondeur sur la fascination exercée par ce visuel sur mon jeune âge, je m’aperçus en effet qu’il me renvoyait à d’autres images. J’avais dans ma bibliothèque une première version de la Griffe noire parue au Lombard et dont la couverture était quelque peu différente de celle, familière, de l’édition de Casterman.

Deux couvertures de La griffe noire : Le Lombard, 1959 ; Casterman, 1965.

Sur celle-ci, on voit Alix surpris par l’apparition d’un « homme-panthère » cagoulé, nimbé d’une auréole de lumière qui semble bondir sur notre héros. Or à regarder de plus près, il s’avère qu’Alix n’est pas réellement menacé : d’un point de vue sémiologique, le regard du personnage et le mouvement de son bras semblent indiquer une autre direction. Malgré la tension des muscles de son cou, Alix est simplement le témoin des agissements de notre « homme-panthère ». Contrairement à la présentation des éditions Casterman, le héros de Jacques Martin bien qu’effrayé et de par sa posture en léger décalage sur la gauche, n’est pas directement inquiété. Finalement, si les deux couvertures se ressemblent, la version de Casterman a « un peu révolutionné le genre des couvertures »[3] selon le propre aveu de Jacques Martin lui-même. Il faut dire aussi que dans cette aventure sicilienne et africaine, le trait de l’auteur se précise : « c’est l’album qui a marqué mon style par rapport aux précédents, qui était plus flou du point de vue du dessin » souligne-t-il dans un entretien avec Christophe Fumeux[4]. L’encrage plus soutenu par endroits permet de jouer avec les ombres et les lumières. Mais c’est surtout dans sa composition que l’image détonne : « parce qu’avant celle-là on n’a jamais fait de personnage à l’avant plan comme celui-là avec seulement deux personnages sur la page »[5] souligne Jacques Martin. À feuilleter l’album, on comprend alors que ce parti pris constitue un véritable leitmotiv.

Poids du contexte, les années 60 et la guerre d’Algérie semblent jouer à plein dans l’aura qu’exerce encore aujourd’hui cet album sur mon parcours d’historien. En effet, outre les problèmes liés au changement d’éditeur, si la parution de l’album en France est non autorisée pour « haine et incitation à la violence », il semblerait qu’on le doive très certainement au contexte du mouvement d’indépendance de l’Algérie : « c’était en 1965. Les deux premiers livres de la série Alix publiées par Casterman ont été malheureusement interdits. Il s’est agi de La griffe noire et des légions perdues. À cette époque, il existait un contentieux entre la France et la Belgique au sujet du livre, et Casterman, [qui] était un éditeur belge, a rencontré un certain nombre de difficultés. Par ailleurs, ces deux titres faisaient allusion à des situations qui pouvaient être assimilées à la guerre d’Algérie, les autorités françaises les ont purement et simplement refusés »[6] explique Jacques Martin. Certains censeurs voyaient en effet dans les cinq officiers romains responsables du massacre d’Icara une référence à certains généraux français particulièrement actifs pendant le conflit algérien.

Poursuivant le cheminement dans la bibliothèque reconstituée de mon enfance, mes doigts s’arrêtent alors sur la tranche d’un autre opus qui a durablement nourri ma fascination pour l’Afrique. Il s’agit de la version couleur de Tintin au Congo parue en 1946[7]. Ainsi, ce qui m’avait à ce point fasciné dans La Griffe noire se retrouve aussi mis en scène dans l’album d’Hergé. Tintin, en costume colonial et armé d’un fusil, est à l’affût. Il est accompagné par Milou, son fidèle compagnon.

Case de Tintin au Congo dessinée par Hergé, Casterman, 1946.
Case de Tintin au Congo dessinée par Hergé, Casterman, 1946.
Dessin utilisé par la couverture des tribulations de Tintin au Congo, Monographie de Philippe Goddin, Casterman, 2018 / Sérigraphie Archives internationales - Tintin et l’homme léopard - Tintin au Congo 1990.
Dessin utilisé par la couverture des tribulations de Tintin au Congo, Monographie de Philippe Goddin, Casterman, 2018 / Sérigraphie Archives internationales – Tintin et l’homme léopard – Tintin au Congo 1990.

Soudain, dans la nuit une ombre menaçante se dresse derrière lui. Inévitablement cette image renvoie à la couverture de La Griffe noire : Tintin comme Alix sont observés par un personnage cagoulé qui s’apprête à bondir sur eux. Le procédé sémiologique est le même : là où Jacques qui avait utilisé la plongée, Hergé propose une légère contre plongée. Ainsi Tintin, au premier plan de l’image, ne peut pas voir le danger imposé par cette menace aux mains griffues qui planent sur lui. Ce procédé visuel qui donne au spectateur l’information d’une action à venir est habilement déjoué par le dessinateur. L’homme léopard ne pourra pas tuer le héros puisqu’un énorme boa vient interrompre son intention meurtrière. Il l’enserre de son corps, avant que Tintin ne l’achève d’un coup de carabine. Il s’agit là d’une incohérence car il n’y pas de boa au Congo, ils vivent plutôt en Amérique et à Madagascar. Quoiqu’il en soit, le costume et les griffes de cet individu font alors sens et tissent le lien entre les deux choix iconographiques des dessinateurs belges. Cet homme-léopard était, explique Hergé plus avant dans la BD, un membre de la société secrète le Mambela, qui avait sévi notamment dans les années 1930 chez les populations Bali du nord-est du Congo. Les membres initiés de cette société, les Anioto, tuaient leurs ennemis avec des fausses griffes de léopard et laissaient ensuite des fausses empreintes dans la forêt pour faire croire à une attaque de l’animal. Ils servaient de milice à des personnages puissants. Les chefs possédaient le pouvoir de contrôler les actions des léopards si un léopard s’en prenait à leur sujet : contester, c’était renoncer à leur capacité de domination. L’ancien administrateur de territoire au Congo et au Rwanda-Burundi, P.E Joset analyse qu’ « à la base de presque toutes les sociétés d’hommes-léopards, il y a une société secrète où les profanes ne sont admis qu’après une initiation insistant tout particulièrement sur l’obligation de solidarité entre les initiés et le respect absolu du secret. Le caractère ésotérique de la société lui confère aux yeux du peuple un prestige tellement redoutable qu’elle acquiert presque toujours une influence sociale et politique hors de proportion avec son objet premier. L’autorité absolue des parrains sur les néophytes, les pouvoirs extraordinaires du maîtres des rites pendant les périodes d’initiation font de l’association un véritable état dans l’état »[8]. Il précise que « durant la colonisation de l’actuelle république démocratique du Congo, les autorités belges respectèrent les structures territoriales locales. Ils attribuèrent toutefois à des nouveaux chefs le pouvoir dans les chefferies locales bouleversant l’équilibre social traditionnel. Les chefs traditionnels, généralement des anciens utilisèrent des Anioto pour contester leur leadership »[9].

Dans le cadre de l’action de ces hommes-léopards, on cherchait donc à saper l’autorité des chefs imposés par la domination coloniale. Il ne s’agissait pas de tuer directement les dirigeants mais plutôt leurs sujets. Si quelqu’un, affilié à la société secrète voulait exercer sa vengeance, il en formulait la demande au conseil des chefs du Mambela qui prenait la décision de l’entériner au non. Notons aussi qu’il fallait garder, particulièrement auprès des autorités belges, la nature mystérieuse des meurtres sous peine de représailles. Ainsi, cette omerta a fait croire pendant un certain temps aux autorités coloniales que ces morts étaient le fait d’attaques de léopards. Mais, plus les structures traditionnelles s’effritèrent, plus la véritable nature des crimes des hommes-léopards et leur lien avec le Mambela se révélèrent à l’administration belge. Des procès et des condamnations suite à une impressionnante série de meurtres mirent progressivement fin aux Anioto dans les années 30. Cette analyse souligne la place du léopard associé au pouvoir dans les sociétés locales du Congo.

Ainsi, dans l’album, cette image fait sens puisqu’elle renvoie indirectement à une autre séquence fameuse : celle de l’attaque du léopard qui vient perturber le cours de Tintin dans la mission où il est supposé remplacer l’enseignement du père Sébastien. Dans le musée imaginaire de Tintin, importante exposition destinée au palais des beaux-arts de Bruxelles en juin 1979, sont mis en scène les objets mythiques collectés par Tintin au cours de ses aventures en regard aux objets réels qui les ont inspirés. Sur l’affiche de l’exposition, Hergé tente d’organiser l’incursion de ses principaux personnages au beau milieu d’une installation imaginaire. Parmi les objets exposés, on reconnaît un homme léopard, celui-là même qui était exposé au musée consacré à l’Afrique à Tervuren, dans la banlieue de Bruxelles.

L’homme-léopard au musée de l’Afrique, Tervuren, Belgique ; Illustrations pour un article à propos des hommes léopards dans le magazine Popular Science, août, 1943.
L’homme-léopard au musée de l’Afrique, Tervuren, Belgique ; Illustrations pour un article à propos des hommes léopards dans le magazine Popular Science, août, 1943.

Une interview de Jacques Martin confirme cette filiation. Il explique que la griffe qui donne son titre à l’album des cinquièmes aventures d’Alix lui a été inspirée par les armes semblables observées au Musée royal de l’Afrique centrale de Tervueren, près de Bruxelles : « ces armes étaient utilisées par les hommes-léopards Anioto, dont le costume avait été repris par Hergé dans Tintin au Congo »[10].

Si la relation d’inter iconicité avec La griffe noire semble évidente aujourd’hui à mes yeux, elle ne l’était pas forcément quand j’étais gamin mais avait peut-être laissé son empreinte comme icône, référent graphique de l’imagerie africaine. Dans le lien entre ces deux volumes, s’est constitué plus ou moins consciemment dans mon imaginaire une mémoire de l’Afrique fixée par l’histoire de la bande dessinée belge et cette figure d’homme-léopard.

Une image en appelle une autre. L’icône de l’homme léopard constitue toujours aujourd’hui un motif iconographique qui, au-delà de La Griffe noire, trouve ses ramifications dans d’autres aventures dessinées comme celles de Corto Maltese (Les Ethiopiques[11]) ou Spirou (La femme léopard[12]).

Pratt Hugo, Les Ethiopiques, Casterman, 1972.
Pratt Hugo, Les Ethiopiques, Casterman, 1972.
Le Spirou de Swhartz et Yann, Le maître des hosties noires, La femme léopard tome 2, Dupuis, 2017.
Le Spirou de Swhartz et Yann, Le maître des hosties noires, La femme léopard tome 2, Dupuis, 2017.

Si cette image de l’Anioto a d’abord été jugée dénigrante pour les Africains, elle a été, à dessein, réexploitée dans d’autres œuvres à la dimension engagée. Ainsi, en 2008 l’artiste congolais Chéri Samba dans le cadre de l’exposition « Expo58 » commémorant l’exposition internationale de Bruxelles, réalise une toile intitulée Réorganisation qui met en scène l’évacuation hors du musée des statues des « Anioto ».

Chéri Samba, Réorganisation, tableau réalisé pour l’Expo 58, 2008.
Chéri Samba, Réorganisation, tableau réalisé pour l’Expo 58, 2008.

L’œuvre met en scène un groupe d’Africains sortant la statue du musée tandis qu’un groupe d’Européens, représentant le personnel du musée proteste : « nous ne pouvons accepter que cette œuvre parte, c’est elle qui a fait ce que nous sommes aujourd’hui ».

François Shuiten, image parue en décembre 2001 dans le magazine belge Tudi. Elle est utilisée dans le guide « Bruxelles itinéraires » du Lonely Planet, 2010, p.132. L’original a été vendu en 2012 pour 10 000 euros.
François Shuiten, image parue en décembre 2001 dans le magazine belge Tudi. Elle est utilisée dans le guide « Bruxelles itinéraires » du Lonely Planet, 2010, p.132. L’original a été vendu en 2012 pour 10 000 euros.

François Shuiten, dessinateur belge, auteur d’un tableau engagé mettant en scène l’homme léopard du musée de Tervueren, explique qu’il faut apprendre à regarder le passé : « j’ai donc fait ce dessin sur le sang de l’Afrique qui coule sur ce musée. C’est le premier dessin qui s’est vendu alors que je croyais que ce dessin allait effrayer tout le monde. C’est un dessin « engagé ». Je ne connais pas l’Afrique mais je sens bien quelque chose, la culpabilité que nous trainons derrière ça ; une culpabilité qu’il va falloir transformer »[13]. Ainsi aujourd’hui dans le contexte d’une relecture du passé colonial belge[14], le musée royal d’Afrique centrale, rebaptisé « Africa museum » a revu son parcours et sa scénographie. Une fois à l’intérieur, le visiteur est contraint, dans une sorte de repentance symbolique, de descendre un escalier vertigineux puis d’emprunter un couloir interminable, avant d’accéder, dans les sous-sols de l’ancien palais, à une première salle retraçant l’histoire du lieu comme instrument de propagande coloniale. À côté, une « sorte de cabinet noir » où ont été remisées les statues les plus décriées, et notamment celle de l’homme léopard terrassant une de ses victimes, source d’inspiration d’Hergé dans Tintin au Congo.

L’homme-léopard dans sa nouvelle configuration scénographie au musée de l’Afrique, Tervuren, Belgique.
L’homme-léopard dans sa nouvelle configuration scénographie au musée de l’Afrique, Tervuren, Belgique.

Passé ce « purgatoire », le visiteur remonte enfin à la lumière pour découvrir, dans le palais, le nouveau parcours des collections. Doit-on pour autant voir, dans la censure de cette image où Tintin est menacé par un homme léopard, une des formes du « sanglot de l’homme blanc »[15] ?

Aussi, il est intéressant de noter qu’Antoine Gaulard, plus connu sous le pseudonyme de Bazil est aujourd’hui l’auteur de Lipanda, une bande dessinée parodique de Tintin au Congo. Cet auteur de 28 ans influencé par la ligne claire raconte les aventures de Pimpin et Mildiou dans le contexte de l’indépendance du Congo. Sur la couverture de cet album, Mildiou fait face à un léopard.

Bazil, Lipanda, couverture de l’album, Bang Editions, 2021
Bazil, Lipanda, couverture de l’album, Bang Editions, 2021.

Cette mise en scène inspirée de la fameuse scène de l’école où Tintin expulse un léopard hors de sa classe, montre que les aventures du reporter au Congo  dessinée par Hergé demeurent encore en 2021 une source d’inspiration et une référence.

Au terme de mon analyse, j’ai récemment découvert le récit I comb Jesus (Je peigne Jésus) et autres reportages africains du dessinateur belge Stassen, dont l’œuvre nourrit une réflexion exigeante sur le passé colonial belge. Ce dernier, impressionnant dans son approche du génocide des Tutsis du Rwanda dans Déogratias, a su dans ce reportage dessiné mettre en perspective la lecture de l’œuvre d’Hergé. Ainsi, à travers le discours de Kalonji : « tu as entendu parlé de la plainte de notre concitoyen Bienvenu Mbutu Mondondo devant les tribunaux belges ? Tu sais, c’est ce garçon qui voudrait faire interdire Tintin au Congo sous prétexte que c’est un ouvrage raciste. Que Hergé fût raciste c’est un fait. Mais que Hergé ignorât lui-même qu’il était raciste est un autre fait. Et ce que le citoyen Bienvenu devrait plutôt affronter, ce sont les clichés contemporains que des commentateurs occidentaux plaquent sur note Congo. De la même façon qu’Hergé plaquait les clichés de son époque sur un pays qu’il n’avait jamais visité, les journalistes d’aujourd’hui pratiquent à notre égard un travail dont la légèreté n’est induite que par le mépris inconscient qu’ils nous portent »[16]. L’image de l’homme léopard s’inscrit dans l’imaginaire collectif de l’histoire de la colonisation belge.

Si on revient à l’image de La Griffe noire, source d’angoisse personnelle, je découvre dans sa puissance agissante à la fois la terreur et la fascination que je retrouve aussi dans celle de l’homme léopard de Tintin au Congo. La séduction non rationnelle ou « numinosité » exercée par cette image revêt un mystère qui est sans doute contenu dans la notion de « numineux » que Rudolf Otto  caractérise comme « mysterium tremendum, mysterium fascinans »[17]. Le tremendum constitue l’effroi ou la terreur de la divinité, dans tout ce qu’elle a d’incompréhensible et d’énigmatique et le fascinans, « celui qui séduit, entraîne, ravit d’étonnement », emporte l’adhésion. In fine, cette image, fantôme de mon enfance, révèle l’appréhension d’un tout autre, altérité radicale, qui paralyse, comme le poison au bout de la griffe et fascine, à l’image du mythe de l’homme léopard.

[1] GROENSTEEN T., De KUYSSCHE A. De, MARTIN J., Avec Alix, l’univers de Jacques Martin, Casterman, 2002, p.110.

[2] Ibidem

[3] Catalogue d’exposition Alix, L’art de Jacques Martin, Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, collection dirigée par Stéphane Beaujean et Gaëtan Akyük, 2018, p.37

[4] Entretien de Jacques Martin avec Christophe Fumeux.

[5] Op. cit n°3.

[6] Op. cit. n°3.

[7] A l’époque, je ne sais pas qu’Hergé avait modifié la première version de Tintin au Congo en noir et blanc paru en 1931 pour gommer les éléments les plus polémiques témoignant d’une méconnaissance circonstanciée de l’Afrique par les Européens.

[8] P.E. JOSET, Les sociétés secrètes des hommes-léopards en Afrique noire, Payot, Paris, 1955.

[9] Ibidem.

[10] Op. cit. n°1, p.111

[11] Hugo Pratt, a opté dans les aventures africaines de Corto Maltese pour une appréhension plus subtile de l’histoire des hommes-léopards. Bien que Corto soit accepté aux côtés de ceux-ci dans une expédition punitive, ce n’est que dans son coma que lui est révélée la vérité sur les hommes-léopards.

[12] Dans le Spirou La femme léopard de Schartz et Yann, l’histoire des genres crée ici une première modernité en faisant de l’homme léopard… une femme chargée de retrouver un fétiche Kongo.

[13] http://www.bd-best.com/interview-de-francois-schuiten-a-la-brafa-news-4022.html

[14] Voir à ce sujet l’ouvrage d’Adrian Hochschild, Les fantômes du roi Léopold : la terreur coloniale dans l’Etat du Congo, 1884-1908, qui met en lumière les exactions commises par les colonisateurs pendant la période d’exploitation du latex.

[15] BRUCKNER Pascal, Le sanglot de l’homme blanc, Seuil, Paris, 2002.

[16] STASSEN Jean-Philippe, I comb Jesus, Futuropolis, 2015, p.40.

[17] OTTO Rudolf, Le sacré, Payot, 1995.

Publié le 8 juin 2021
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