En lieu et place: vivre à Bataville
Puisant dans les archives mineures du vingtième siècle, Philippe Artières propose d'en exhumer des « lieux communs », de ces endroits collectifs qui font histoire, qui racontent un peu de ce que les membres d’une même société partagent. Il accroche ces lieux archivés, tous habités, sur Entre-Temps pour contribuer, encore et invariablement, à une histoire du Nous qui toujours échappe. Cette semaine, la dernière étape: Bataville.
La maison où je passe mes étés à la manière de mes ancêtres, en villégiature en forêt comme l’on disait encore dans les années 1930, est isolée. Mais si l’on trace un cercle d’un rayon de trente kilomètres en la prenant comme centre, on constituera un musée à ciel ouvert de l’habitat collectif depuis le XIXe siècle, avec de beaux specimens.
Le plus récent des éléments qui le compose est un espace clos dans lequel ne rentrent que celles et ceux qui ont réservés et payés en ligne leur droit d’entrée. C’est un Center Parc inauguré en 2010.
« Au Domaine des Trois Forêts, les vacanciers logent dans des éco-cottages au cœur de la nature, entourés d’une forêt de 58 hectares à l’état natif, «le cœur vert», où des espèces végétales et animales sauvages continuent à vivre. Le domaine est traversé par une rivière navigable artificielle de 2 km. Pour préserver cet environnement, les déplacements se font à pied ou à vélo (3 000 bicyclettes sont proposées à la location), sur des parcours aménagés. Au cœur du site se trouve l’Aqua Mundo, équipement de loisir aquatique en accès libre de 5 250 m², avec une ambiance tropicale (plantes et arbres exotiques, eau à 29° toute l’année). 36 autres activités sont proposées à la carte (tennis, tir à l’arc, canoë…). La gestion, l’entretien des installations et l’animation sont confiés à des entreprises privées extérieures. Au total, le parc compte 2 700 m² d’espaces indoor dédiés au sport (hors Aqua Mundo). Les enfants disposent d’un espace intérieur de 800 m² et d’une aire extérieure de 3 000 m², où ils peuvent pratiquer des activités sportives, ludiques ou de découverte. Une ferme est également présente, outil pédagogique permettant aux enfants de vivre le quotidien d’une exploitation agricole. Ils peuvent y approcher les animaux et se promener dans un potager, un verger ou des prairies. 20 hectares sont réservés à l’introduction d’animaux domestiques rares (chevaux Konik, chèvres Landgeit). Les services sont également présents avec trois bars et cinq restaurants (même si les repas peuvent aussi être servis dans les cottages), une discothèque, des boutiques (supermarché et boulangerie), ainsi que des espaces réservés aux loisirs et aux spectacles (bowling, jeux vidéo, billard). »
Extrait de la revue Insee-Lorraine-EL255, avril 2011.
Il y a un autre lieux, non loin où l’on est invité à prendre du repos, c’est l’hôpital psychatrique de Lorquin, dont l’inauguration date de 1910, alors que la Moselle est alors occupée par l’Allemagne depuis 1870.
Il y a aussi en entrant dans le massif vosgien, à Raon-l’Étape, le motel L’Eau Vive, construit par Pascal Häusermann entre 1967 et 1971 selon la technique du voile de béton projeté. L’architecte suisse a appliqué pour ce programme hôtelier ses conceptions nouvelles en matière d’habitation et d’urbanisme en lien avec l’architecture prospective et l’architecture sculpture. Il conçoit ainsi un ensemble de neuf cellules hôtelières – désignées familièrement sous le terme de « coquillage » en raison de leur forme –, complétées par la réception et le logement du gardien, dans un cadre naturel.
Mais notre musée compte surtout des architectures ouvrières collectives : dans le village voisin, à Val-et-Chatillon, les cités ouvrières des cotonneries qui firent la richesse de la vallée jusqu’au début des années 1960 ; surtout, à Baccarat, on peut encore admirer la cristallerie tout autour les logements pour les ouvriers selon le modèle paternaliste bien connu.
Moins attendue est en reprenant la départementale vers la N4, Bataville, cette cité construite de toute pièce dans les années 1950 pour devenir une ville dédiée à la fabrication de chaussure. Aujourd’hui ses vestiges sont inscrits à l’inventaire des monuments historique. A été conservé aussi une immense archives de la vie à Bataville: le Règlement Général de Résidence.
Règlement Général de Résidence à Bataville
« Le présent règlement est établi dans le but :
1° de faire connaître à l’habitant ses droits et ses devoirs
2° d’assurer une bonne entente entre l’habitant et le service chargé de la gestion du logement à Bataville.
3° d’associer les habitants :
- à l’embellissement de Bataville
- au maintien en bon état des maisons et des lieux
- à la recherche d’une résidence plus confortable en observant ou en faisant observer les règles du bon ordre et du bon voisinage.
Règles concernant l’urbanisme
1° La circulation des autos, motos, cycles dans l’enceinte de Bataville est réglementée conformément aux prescriptions du Code de la Route. Elle est autorisée exclusivement sur les artères principales aménagées à cet effet. Elle est interdite notamment sur les allées, épis et trottoirs.
Les automobiles et cyclistes circuleront avec la plus grande vigilance, plus spécialement aux alentours des écoles, leur vitesse ne pouvant dépasser 45 km/h.
Le stationnement des véhicules se fera aux emplacements réservés et ne devra pas géner la circulation des voitures et des piétons.
2° Les piétons circuleront sur les chemins, allées et trottoirs prévus à cet effet. Ils respecteront et feront respecter les plantations de fleurs et les bandes de gazon établies le long des chemins dans un but d’embellissement.
3° Les habitants de Bataville respecteront scrupuleusement toutes les plantations d’arbres et de haies.
Lorsque ces plantations se trouvent dans leur jardin où à la limite de leur jardin, ils s’engagent à les entretenir et les maintenir en bon état. Les limites de chaque jardin seront indiquées à l’habitant au moment de son entrée dans le logement.
4° Il est interdit aux habitants de faire planter des arbres dans le jardin qui leur est attribué, sans avoir préalablement reçu l’autorisation. Lors d’un déménagement, il est strictement interdit d’enlever du jardin arbre, arbuste, même si les plantations ont été faites par l’habitant.
Les habitants de Bataville sont tenus de nettoyer la rue dans les limites de leur logement.
5° Il est formellement interdit d’établir contre la maison ou dans le jardin appentis, vabanes ou autres constructions de fortune.
Les constructions édifiées sans autorisation seront détruites aux frais du contrevenant.
Le dépôt de matériel ou de bois de chauffage devant les maisons est interdit.
L’inobservation de ces règles peut entraîner le retrait immédiat du logement.
6° Les habitants de Bataville auront à cœur de conserver en parfait état de propreté non seulement la maison et le jardin qui leur sont affectés, mais encore tous les chemins et routes de la cité ainsi que les terrains de jeux, promenades, terrains de sports et tous équipements de la cité.
Règlement concernant l’habitation
1° L’occupant doit jouir des locaux mis à sa disposition en bon père de famille, sans commettre aucune dégradation ou détérioration. Il les entretiendra en bon état de réparations locatives et les rendra en bon état à son départ.
2° Il est interdit de procéder à des changements de distribution ou d’ornementation sans autorisation écrite du Directeur, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du logement.
3° Toute modification, quelle qu’elle soit, des installations électriques ou d’eau, devra soumise au préalable à l’approbation des services des logements. Il en sera de même pour toute installation d’appareils sanitaires, de gaz, etc…
4° L’occupant devra informer la direction de la Société BATA, par lettre recommandée, de son intention de procéder à l’installation, à l’entretien ou à la réparation d’une antenne réceptrice de télévision. Selon le type de la maison, la Société BATA autorisera les travaux projetés, ou raccordera le récepteur de l’occupant à l’antenne collective, moyennant une quote-part des dépenses d’installation.
Les dégâts éventuels causés par une installation individuelle seront à la charge de l’occupant.
5° Il est interdit de casser du bois sur le plancher et le baton du logement ; il est également interdit de planter des clous, crochets et vis dans les murs, les portes, les cadres des portes et des fenêtres, sans prendre toutes les précautions nécessaires.
6° Il est interdit de jeter dans les canalisations d’eaux usées des déchets ou tous objets risquant de les boucher. En cas d’engorgement, les rais de débouchage seront à la charge du responsable.
7° L’occupant veillera à ne pas gaspiller l’eau, notamment l’arrosage des jardins ou le lavage des voitures.
8° Il signalera les dégâts nécessitant l’intervention d’un réparateur spécialisé et causés par :
- les changements de températures,
- des fuites aux toitures et gouttières,
- le mauvais fonctionnement des cheminées, des installations de chauffage, de la distribution d’eau ou d’électricité, des égouts, etc…
Les dégats signalés par l’occupant seront consignés sur un registre spécial tenu par le service des logements.
9° Il prendra toutes dispositions pour éviter la rupture par le gel des canalisations, compteurs et appareils dont les réparations éventuelles seront à sa charge de même que les dégâts occasionnés par son fait à toutes les installations au bâtiment ou à ses annexes.
10° Il fera ramoner à ses frais les cheminées, et ceci au moins une fois par an, par l’entreprise agréée par la Société BATA.
11° Seront à la charge de l’occupant, les prestations, impositions et taxes locatives et fournitures individuelles dues en raison de l’occupation du logement.
12° Il appartient à l’occupant d’assurer son mobilier concernant l’incendie, les explosions, le recours éventuel des tiers et des voisins, ainsi que sa responsabilité civile et celle des siens, dégâts des eaux etc …
La Société BATA se réserve le droit de demander à tout moment à l’occupant une attestation justifiant de l’assurance des risques ci-dessus.
13° L’occupant devra laisser pénétrer librement dans son logement les représentants et les ouvriers de l’équipe d’entretien de la cité pour la surveillance de l’immeuble et toute réparation dont il aura besoin. Il supportera sans indemnité tous travaux d’entretien de l’immeuble ainsi que toute interruption dans les service d’eau, d’égouts ou d’électricité.
14° L’occupant aura à sa charge l’entretien de l’installation d’électricité, robinetterie, éviers, lavabos, baignoires, water-closets, chasse d’eau, serrures et vitrerie.
15° L’occupant devra supporter tous les inconvénients et préjudices résultant directement ou indirectement des installations des usines.
16° L’occupant constatant le présence de toute vermine ou insecte dans le logement devra en informer le service des logements, qui tiendra un registre à cet effet.
Si le service des logements constatait sans en avoir été averti de tels insectes ou vermines, des sanctions pourraient être prises allant jusqu’au retrait du logement.
17° Il devra immédiatement avertir le service des logements en cas de maladie contagieuse, qui sera également consignée sur le registre prévu au 16°
18° Il devra se prêter aux mesures de nettoyage ou de désinfection que le service des logements croira devoir appliquer.
19° Il est interdit de secouer les tapis, jeter des détritus par les fenêtres et répandre aux alentours des maisons, des ordures pouvant gêner les co-occupants ou les voisins.
20° L’occupant placera les ordures ménagères dans un récipient, au bord de la route, aux heures et jours prescrits, pour en permettre l’enlèvement. Il retirera le récipient aussitôt apès l’enlèvement.
21° L’occupant ne pourra posséder des chiens, chats ou autres animaux domestiques que dans la mesure où leur présence ne provoquera aucune réclamation des voisins. En cas de réclamation, l’interdiction de les conserver pourra être prononcée.
Les chiens devront être tenus en laisse à l’extérieur des maisons.
22° Il est formellement interdit :
- de céder tout ou partie de son logement.
- d’affecter une partie quelconque des locaux à l’établissement d’un débit de boisson, d’un commerce, d’une industrie ou d’une profession artisanale ou libérale ;
- d’héberger des pensionnaires ou sous-locataires.
Des dérogations pourront être accordées à ces interdictions sur demandes écrite à la Direction de la Société BATA.
23° L’occupant devra se conformer aux consignes et observations qui pourront lui être données par les agents chargés de la surveillance de la cité ou par le service des logements.
24° Les habitants de la cité auront à cœur de respecter les règlements de police et plus spécialement ceux concernant les heures de repos, en s’abstenant, entre 22 heures et 6 heures, de tout tapage et bruit pouvant troubler le repos des autres.
25° Tout désordre, scandale, abus de jouissance, pourra être sanctionné par le retrait du logement.
26° La Direction se réserve expressément le droit d’attribuer d’office un autre logement au titulaire, si les circonstances l’exigent, particulièrement en cas de modification dans la composition de la famille ou dans la situation professionnelle du titulaire.
27° L’habitant peut renoncer à l’occupation du logement mis à sa disposition après un préavis de 15 jours pour le 1er, soit pour le 15 de chaque mois.
28° La jouissance du logement constitue un accessoire du contrat de travail et reste entièrement subordonnée à la qualité de salarié à la Société BATA ou de la Société des Consommateurs de Bataville.
Il est ainsi formellement convenu que l’occupation du logement n’a lieu qu’à titre purement précaire, sans qu’elle puisse être à aucun égard considérée comme une location.
29° L’occupant qui cesse d’avoir droit au logement, à la suite de la cessation de ses fonctions dans la Société BATA ou Consommateurs de Bataville, devra l’évacuer dans un délai de un mois au plus tard, à compter du jour où le droit d’occupation a cessé.
En cas de décès du titulaire, ce délai est susceptible d’être porté à six mois pour sa famille.
Ce délai est également porté à six mois en cas de départ à la retraite.
En cas de longue maladie, l’occupant pourra continuer à bénéficier de la jouissance de son logement pendant une durée de six mois après la notification qui lui sera faite qu’il ne fait plus parti du personnel.
30° A compter du jour où il cessera d’avoir droit au logement, l’occupant sera tenu d’acquitter, nonobstant l’obligation de libérer le logement, une indemnité d’occupation dont le taux sera fixé par la Direction de la Société BATA.
31° En contrepartie des avantages apportés par la jouissance de son logement, l’occupant supportera une indemnité d’occupation fixée par la Direction de la Société BATA.
Cette indemnité d’occupation sera prélevée directement sur le salaire de l’occupant. »
Société anonyme BATA, Moussey, Bataville (Moselle)