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Trois scènes de la Commune

Cette année, les élèves d'une classe de première du Lycée Condorcet de Saint-Maur-des-Fossés ont participé, dans le cadre d'un partenariat avec le Théâtre de la Colline, à un atelier d'écriture sur la Commune. Encadrés par leur enseignant Cédric Maurin et l'auteur dramatique Mario Batista, ils ont inventé des situations, des personnages, des dialogues, pour donner vie à une série de scènes de la Commune. Entre-Temps publie aujourd'hui trois d'entre-elles, avant de revenir avec les participant·es, dans un prochain épisode, sur cette intense expérience d'écriture.

Jean-Baptiste Arnaud-Durbec, Barricade sous la Commune. © Paris Musées / Musée Carnavalet

 

Scène 1 : un accident de calèche

Par Emma K., Maya M., Léonard V., Paul M., Jean-Baptiste L.

George Duroy fait une balade en calèche dans le vingtième arrondissement de Paris. Il a un accident à cause de l’état de la route et doit attendre de laide dans un des quartiers les plus pauvres de la capitale. Cest alors quIsabelle, infirmière et mère célibataire dun enfant en bas âge depuis la mort de son mari lors des affrontements contre les Prussiens, tente de lui venir en aide. Mais le bourgeois aux valeurs conservatrices  refuse avec ferveur uniquement parce quelle est une femme. Alertée par lagitation, Alya, Algérienne hébergée par Isabelle en échange de la garde de son enfant pendant quelle travaille, descend avec le jeune garçon dans ses bras pour aider sa bienfaitrice. Lhomme a alors une réaction encore plus virulente en reconnaissant un visage étranger. Il se défend plus tard de pouvoir se nourrir à sa faim, ce qui pousse Marie, jeune ouvrière textile anarchiste à intervenir. Il en sera de même pour Albert, boulanger, très religieux et monarchiste légitimiste qui constate tous les jours les ravages de la famine.

George : Merde c’était quoi ça ?

Il descend de la calèche et constate les dégâts provoqués par à cause de la route accidentée.

George : Évidemment ! On veut profiter d’une simple balade et on se retrouve coincé ici !

Au cocher :

George : Allez me chercher de l’aide, Jean.

Il s’en va et Isabelle s’approche.

Isabelle : Ça va monsieur ? Vous avez besoin d’aide ?

George : Oui ! Allez me chercher un médecin, je crois que mon bras est cassé.

Isabelle : Mais… je peux vous aider, je suis infirmière.

Elle s’approche pour examiner le bras blessé.

George : Non ! Ça va aller. Allez me chercher quelqu’un de compétent.

Isabelle : Que voulez-vous dire ?

George : Un médecin serait préférable, merci.

Isabelle : Mais laissez-moi au moins…

George : NON. C’est bon.

Alya, alertée par le bruit en contre bas, descend avec l’enfant d’Isabelle dans ses bras.

Alya : Tout va bien madame Isabelle ?

Elle voit George au sol et se précipite pour l’aider après avoir laissé l’enfant à Isabelle.

Alya : Oh mon Dieu vous allez bien ?

George la repousse violemment.

George : Ne me touchez pas avec vos sales mains.

Alya, décontenancée, recule doucement.

Alya : Ah pardon… Vous voulez peut-être un verre d’eau ?

George : Non merci, je n’accepte rien de la racaille.

Isabelle : Mais je ne vous permets pas ! Alya m’aide beaucoup entre mon fils et mon travail. Elle est une bénédiction.

George : Mais oui bien sûr. Elle veut juste me faire les poches. C’est tout ce qu’ils savent faire.

Alya : Quoi ? Mais j’allais juste vous aider.

Isabelle : Je connais Alya, jamais elle ne se serait permise malgré la misère dans laquelle nous vivons contrairement à vous qui vous régalez d’éléphant pendant que nous nous battons pour un demi rat.

George : Oui bah excusez-moi de vouloir me nourrir.

Marie, révoltée par ses propos, intervient :

Marie : Vous pourriez tout de même ne pas vous empiffrez pendant que le petit peuple meurt de faim. Nous devrions être soudés.

Isabelle : Je suis d’accord ! Les boucheries sont vides depuis des semaines et c’est impossible de trouver du pain frais !

Albert, familier avec ce problème, dit ce qu’il pense :

Albert : C’est normal, on ne reçoit plus de farine ! Je n’ai plus que des miettes à vendre aux clients de ma boulangerie. Mais que voulez-vous, sans armistice nous n’arriverons à rien.

George : En quoi ça me concerne ? Aïe faites attention à mon bras.

Marie : Pour la simple et bonne raison qu’on doit être soudés. Et non, ce n’est pas l’armistice qui arrangera les choses. Après tout ce qu’on a traversé vous voulez capituler ? Quelle humiliation. Tant de vies sacrifiées. Non la solution c’est d’enfin recevoir l’aide de notre gouvernement.

Albert : On n’a pas besoin d’aide, on a besoin de la paix.

Isabelle : Monsieur, vous êtes sure que vous ne voulez pas que je regarde votre bras.

George : Ah non pas vous !

Marie : Oui mais la paix on l’aura en se battant. Des percées s’organise, ils vont tenter de sortir prochainement. ça pourrait être un tournant.

Albert : Ne pensez pas à me rallier à votre anarchisme. Aujourd’hui, résister ne fera que prolonger notre misère et je sais de quoi je parle, mon fils est mort de cette foutue famine. Arrêtons de lutter et de perdre des vies inutilement. Il nous faut la paix et au plus vite pour espérer nous en sortir.

Marie : Justement. Rien ne nous garantit que l’armistice nous sauvera. Nous n’avons plus rien à perdre, nous sommes déjà aux portes de la mort alors autant tout donner pour défendre notre patrie.

Alya : Ne nous mettez pas tous dans le même panier. J’ai quitté l’Algérie pour une meilleure vie et je me retrouve ici en pleine guerre et dans la misère ! Il faut juste retourner à la normale.

Albert : Oui, il faut que les prussiens s’en aillent et la seule solution est d’abdiquer, pas se battre inutilement.

Isabelle : Mais pas du tout, l’armistice c’est l’humiliation. Mon mari est mort pour la France dans cette guerre comme beaucoup d’autre. On ne peut plus faire marche arrière.

George : Toute cette discussion est inutile. Vous ne serez pas ceux qui décideront de la fin du siège. Vous parlez dans le vide ! Vous ne savez pas ce que vous dites. Avec vos idées, c’est le chaos qui s’installe. Vous êtes jeunes et pleins d’espoirs mais les décisions prises sont faites pour le bien de tous. ça ne sert à rien de se battre. L’ennemi est plus fort.

Marie : L’ennemi n’est plus fort que parce qu’on ne nous donne pas assez de moyens : Torchu et les autres préfèrent contenir les parisiens plutôt que de résister ! Tout ça à cause de votre oligarchie de bourgeois et de patrons ! Ce qu’il faut, c’est le pouvoir qui vient du bas, de nous les ouvriers : il nous faut la liberté du peuple par le peuple pour le peuple !

Albert : Mais le peuple est incapable de diriger il n’y a que Dieu qui le peut. Les Bourbons doivent revenir et rétablir l’ordre. Ils sont les seuls à pouvoir régner.

Isabelle : Parce que c’est les Bourbons qui vont nous apporter du pain peut-être ? Ils vont le garder pour eux, oui !

Marie : La république démocratique et sociale, c’est la seule solution.

George : Mais ça n’arrivera pas ! La République, oui, mais par des gens qui savent ce qu’ils font, pas une bande de travailleurs. Personne n’a vu mon cocher ?

Alya : C’est vraiment votre seule préoccupation ? Des gens meurent tous les jours ici vous savez ? Y a plus de nourriture, plus de travail, plus rien !

George : Mais qu’est-ce-que j’y peux moi ? Je ne suis pas responsable de toute la misère du monde non plus !

Marie : Il faut dire que vous ne faites pas grand-chose pour changer la situation.

George : Mais je n’en ai pas envie. Vous n’avez rien à perdre, pas moi ! Les gens comme vous veulent juste voir le monde brûler… Mais que fait Jean ?

Albert : Vous avez bien raison. Tout ce qu’il nous faut maintenant c’est l’ordre.

Marie : Y a que vos ridicules intérêts que vous prenez en compte. Nous, à l’atelier, on n’en peut plus ! Nous sommes malades, affamés et isolés. On ne veut pas voir le monde brûler, au contraire on veut l’en empêcher. Avec votre soi-disant ‘’ordre’’, on fonce droit dans le mur ! Vous vous souvenez de la manif fin août à l’hôtel de ville ? On ressentait toute la colère et le ras-le-bol des parisiens, et ce n’est que le début ! Ce que les parisiens veulent, c’est la Commune.

Le cocher revient avec de l’aide.

George : Enfin !

Scène 2 : la prise de l’Hôtel de ville

Par Mathieu S., Enzo M., Hugo D., Lenny F. et Mattéo M.

Un café, plusieurs hommes jouent aux cartes, discutent. Un homme entre, Paul-Antoine.

Barman : Alors tu votes la prochaine fois ? Tu prends quoi aujourd’hui sinon ?

Philippe : Ouais, et toi ? J’vais prendre une bière, merci.

Barman : Ouais. Je veux à tout prix que ce bordel s’arrête, j’en ai marre de voir tous les jours ces scènes de carnages devant mon commerce. J’aimerais travailler dans la tranquillité.

Philippe : Ce n’est pas près de changer avec ce nouveau gouvernement là.

Paul-Antoine (entre) : Bonjour messieurs, puis-je m’asseoir en votre compagnie ?

Philippe pousse la chaise de devant avec son pied.

Barman : Que désirez-vous ?

Paul-Antoine : Je vais seulement prendre de l’eau. Alors messieurs, vous votez la semaine prochaine ?

Philippe : Vous êtes qui ?

Paul-Antoine : Paul-Antoine, et vous ? Il serait temps de participer à la vie politique du pays, mon ami.

Philippe : J’suis Philippe. Mais bon, Avec le cens, le suffrage universel napoléonien, on en a perdu l’habitude vous savez. Ça fait plus de 80 ans que la France se bat pour un régime stable. On a tout essayé : République, empire, monarchie, rien n’y fait et je commence à perdre patience.

Paul-Antoine : Je comprends vos plaintes. En revanche, il va être compliqué de résoudre des problèmes de société fondamentaux vieux de 1789 en seulement quelques mois. Mais ce sont des choses qui me sont chères et je compte bien y remédier lors de mon mandat.

Barman :  Vous vous présentez ?

Élisabeth et Ricardo arrivent dans la discussion :

Élisabeth : Hmm intéressant…

Ricardo : Qu’est-ce que vous présentez ?

Paul-Antoine :  Je vois une charmante jeune dame et un bel étranger, qui êtes-vous ?

Ricardo :  je suis Ricardo, et je viens d’Espagne. Je suis  journaliste indépendant pour prendre la température disons, de Paris. Et je vous présente Élisabeth, mon amie dessinatrice, fille de bourgeois. Nous travaillons pour le journal La Patrie. Je paye deux bières pour moi et Élisabeth.

Philippe : mais je croyais qu’il y avait une révolution en Espagne et qu’ils avaient remis une nouvelle Constitution, j’ai vu ça il y’a maintenant 2 ans dans le journal.

Élisabeth : oui c’est surtout pour ça qu’il est parti. Il déteste profondément la République, parce qu’il pense qu’on perd la force de la nation.

Ricardo : Oui, c’est aussi un peu pour ça, parce qu’ils ont renversé le gouvernement d’Isabelle, et les révolutionnaires allaient remettre encore la République. L’Espagne va mourir à cause de leur République, c’était déjà perdu d’avance. Il aurait fallu un dirigeant qui aie tous les pouvoirs pour remettre en ordre le pays.

Élisabeth : Vous vous demandez  pourquoi il fuit une République en allant dans une République ? Et bien il croit que la France va encore finir en monarchie, et qu’il ira mieux.

Philippe : mais il croit quoi l’espagnol ? qu’on va encore se faire voler notre République ? Moi et ma famille attendons ce moment depuis si longtemps. Nous étions dépendant de notre travail pour vivre. Avec les patrons qui partent, on pourra profiter pleinement du fruit de notre travail. Donc si tu crois que la République va encore tomber, détrompe-toi l’ami.

Barman : La Commune est tout de même mal partie, on a bouclé la ville avec des barricades, mais on ne sait pas trop où on va maintenant. Les élections sont dans une semaine mais tout le monde a peur de ce que ça va donner. Il aurait fallu un peu plus d’organisation, comme ça on n’aurait pas eu ce genre de chose à gérer. J’ai lu dans un journal, qu’on aurait pu organiser l’insurrection en s’organisant comme à l’armée, tout aurait pu être mieux coordonné.

Ricardo : Élisabeth est versaillaise.

Élisabeth : T’es pas sérieux.

Philippe : pourquoi tu traînes ici alors qu’on est en pleine révolution ? C’est à cause de gens comme toi qu’on galère à instaurer une République. Pars d’ici où je te refais la face.

Paul-Antoine : Arrêtez là ! Le barman en a déjà assez vu aujourd’hui, on ne va pas en rajouter une couche. Je vous paye tous une bière et arrêtez de vous battre, voulez-vous ?

Barman : Ah merci,  je vous paye une bière ?

Paul-Antoine : Non, encore de l’eau, ce sera tout, merci. Il faut garder une grande diversité d’avis politique, et pour cela, garder l’intégrité physique de chaque personne, ce serait préférable. Etant donné que vous avez l’air d’avoir des avis disons confirmés qui reflètent ce que pense la Commune, je vais confronter ma liste de promesses à ce que vous pensez pour qu’on ait matière à débattre et pour qu’on puisse mieux les corriger.

Ricardo : Encore faut-il que l’ouvrier sache ce que veut dire le mot « débattre ».

Philippe : J’ai vécu plus longtemps que toi, Hijo de puta.

Ricardo : No se insulta a las madres, rana de mierda.

Paul-Antoine : No hables español. Estamos en Francia, hablamos francés. Je commence avec ma première promesse assez évidente : Je promulguerai une loi qui sépare l’Eglise et l’Etat.

Philippe : ça c’est bien ! Adieu les messes du dimanche, adieu le prétendu salut, on pourra enfin respirer sans aucun sentiment de culpabilité.

Ricardo : Mais pourquoi ? ça a pourtant très bien marché depuis 1000 ans ! La religion guide le peuple, elle lui donne un objectif. Et puis l’Etat peut s’aider de la religion pour exécuter certaines mesures…

Élisabeth : Le Christ m’a toujours accompagné dans les moments difficiles et a fait de moi la personne que je suis.

Paul-Antoine : la religion est certes très importante, mais son pouvoir est trop étendu, on dit même que l’État fait partie de l’Église, elle l’influence trop et lui fait prendre de mauvaises décisions. Ce qu’il faut dans cette idée, c’est enlever justement cette domination qui pèse sur tout le monde sans pour autant la condamner.

Ricardo : Si c’est pour délester l’État d’un poids qui l’empêche de continuer, cela me va.

Élisabeth : Elle ne me dérange pas tant que cela si je peux toujours la pratiquer.

Barman : cette décision m’a l’air bien sage. Mais est-ce qu’on peut vraiment le faire sans violence envers l’Église ?

Philippe : À feu et à sang si c’est nécessaire, on va pouvoir se venger de ces foutus profiteurs !

Paul-Antoine : j’ai réfléchi à cette conséquence, et oui il faudra se battre contre l’Église elle-même pour assurer son application. Nous sommes en période de révolution et rien ne doit l’arrêter. Hormis les effusions de sang au rendez-vous, ceux qui sont d’accord, levez la main !

Tout le monde lève la main.

Paul-Antoine : Ben dis-donc, voilà au moins un point sur lequel nous sommes tous d’accord malgré vos opinions très différentes. Allez, pour fêter ça, je vous paye encore une tournée !

Philippe, Ricardo, Élisabeth : Ouais !!!

Barman : Encore de l’eau pour vous, j’imagine.

Paul-Antoine : On passe à la seconde promesse : je mettrai en place le système de coopérative. C’est-à-dire qu’on remet les clés non pas aux patrons (parce qu’ils se sont enfuis), mais directement aux travailleurs, et c’est eux qui gèrent leurs entreprises. Ils pourront avoir de quoi se couvrir en cas de pépin, ils pourront prendre des congés, ou alors des heures supplémentaires… Comme ça, les prix des objets produits seront équivalents au temps de travail !

Philippe : Ça veut dire quoi ?

Barman : Ça veut dire que quand tu produis un chapeau, tu décides du prix qu’il coûtera, un prix qui selon toi, reflète le temps de travail passé dessus. Avec ça, on remet en valeur le temps de travail, c’est intelligent ! On ne travaille plus pour vivre, mais on vivra pour travailler !

Philippe (bourré et heureux): Tous ces hauts-de-forme que j’ai vendus pour les richards à prix cassé, ça veut dire que je les vendrais à mon prix ? Mais c’est génial ! Toi, alors toi, je vais voter pour toi !

Élisabeth (silencieuse à cause de lalcool) : les prix des articles vont augmenter alors…

Paul-Antoine : Ils ne vont pas augmenter, ils vont reprendre leurs prix initiaux.

Ricardo : Mais cette mesure va affaiblir le pays, on n’aura pas de quoi avoir une production qui puisse l’alimenter suffisamment, il y aura trop de congés ! De toute façon, ils ne travaillent pas vraiment les ouvriers, seulement reproduire un enchaînement d’action à longueur de journée…

Philippe : Tu sais faire des chapeaux ? Melon, haut-de-forme, béret, canotier, manier la paille, le feutre, tu sais faire ça ? Tout ce savoir-faire possède aussi un prix qui n’est pas encore reflété par le prix, et c’est ça qui va changer. C’est bien, non ?

Ricardo (un peu saoul) : En fait c’est pas mal, et je pense que ça fera un peu de bien à nos ouvriers.

Philippe : Confonds pas d’pays, j’te rappelle que t’habites en Espagne ! Et on n’est pas des propriétés ! (claque amicale derrière la tête de Ricardo)

Élisabeth : Est-ce qu’on ne serait pas en train de changer les droits de la classe ouvrière ? Ça va impacter non seulement mon mode de vie, mais aussi le vôtre, monsieur le candidat. Une chope, s’il vous plaît.

Paul-Antoine : Cela va être minime pour les avantages que la classe (il tousse) le monde ouvrier va tirer.

Élisabeth : Très bien, alors, tentez toujours, de toute façon l’armée arrivera et reprendra la ville. Avant que tout revienne à la normale, il faut tout essayer. Vous savez quoi ? J’vais voter pour vous, comme ça, vous pourrez essayer tant que vous pourrez. J’ai même plus les idées claires, là…

Paul-Antoine : Ce sera un plaisir de servir la Commune madame, je ferai tout pour que cette insurrection se passe le mieux possible.

Ricardo (complètement ivre) : Allez, une autre promesse !

Philippe (ivre et joyeux) : Ouais, une autre ! Et encore une autre tournée, et cette fois, c’est moi qui paye !

Barman : Vous prendrez de l’eau, je sais.

Paul-Antoine : Alors, voici la prochaine promesse : on va baisser le coût des…

Philippe : … J’adore déjà ce que vous allez dire ! Votez Paul-Antoine !

Ricardo : Je vais voter pour lui moi aussi…

Philippe : Mais tu peux même pas voter toi !

Philippe : Ah oui, c’est vrai !

Élisabeth : J’vais voter aussi pour lui, moi aussi ! allez, pourvu que ça se finisse, de toute façon, je suis trop saoule pour bien penser…

Paul-Antoine : tant mieux alors ! Pour fêter ça, je vous commande une dernière tournée !

Ricardo et Philippe : À votre santé ! Vive la Commune !

Élisabeth : Oui c’est ça, vive la Commune…

Scène 3 : Une cour d’immeuble

Par Clara H., Nina M., Inès L., Romane G. et Mathilde F.

Un crieur de rue se balade dans la rue pour vendre son journal.

Le crieur :  Achetez le nouveau numéro du cri du peuple en ce 28 Mai : Les massacreurs à l’œuvre !!

La garde nationale se dirige vers lui. L’enfant se réfugie dans un immeuble.

Le crieur :  Voilà la garde versaillaise, il faut que je trouve un endroit pour me cacher. Ouvrez ! Ouvrez !

Arthur : Que se passe-t-il ?

Gérard : Mais c’est quoi ce truc, qu’est ce que tu fiches dans notre immeuble ?

Il lui arrache des mains le journal.

Encore ces communards ! On n’en peut plus ! Allez, dégage sale voyou!

Louisa : Calme toi Gérard ! Petit, est ce que quelqu’un t’a vu entrer?

Le crieur : Oui madame, je crois qu’ils m’ont suivi jusqu’ici…

Louisa : Qui ça « ils »?

Le crieur : Les Versaillais!

Henri : On ne peut pas l’aider il va nous faire tuer!

Louisa : Comment ça ? Mais imaginez l’état de ses parents s’ils sont encore vivants! Henry, Robert, rappelez vous comment j’étais dévastée lorsque mes enfants sont morts de la famine. J’ai du me débrouiller seule pour trouver de quoi me nourrir, de quoi vivre, j’aurais tout donné pour revoir leurs petites têtes. Et bien sûr, je n’avais pas l’aide de mon mari tué par vos canons ! Hein Gérard !

Gérard : Oui Louisa, j’ai participé à mettre en place les canons, et alors ? J’en suis fier, grâce à moi et mes frères on a réussi à se débarrasser de pleins de traîtres communards, comme sûrement ce petit, ainsi que ses parents. Je me suis retiré de l’armée seulement hier, à cause de ma jambe et me voilà déjà en train d’aider des communards ? Hors de question, estimez vous déjà heureux que je ne dénonce pas les communards de cet immeuble ! Lui, on le livre.

Robert : Bon écoutez moi, au lieu de vous crêper le chignon. Quand je suis parti combattre des communards il y a quelques jours, j’ai fait partie des centaines de bataillons et cela m’a traumatisé.

Arthur : Mais quel est le rapport avec ce débat ?

Robert : Écoute !! J’étais obligé de me battre sous la pression et la menace, j’ai du exécuter tous ces hommes, femmes et enfants en les regardant dans les yeux, je pouvais voir leur peur. Et tout ça pour ne pas mourir, ce n’était pas vraiment de ma faute. Je peux vous assurer que tuer tous ces gens n’a pas résolu la situation ça l’a même empirée, alors laissons ce petit bonhomme s’en sortir.

Henri : Tu crois que vous n’êtes pas fautifs ? Il ne manquerait plus que ça ! Vous avez détruit toute notre ville avec vos canons.

Robert : Mais je n’avais pas le choix ! Soit je mourais de faim en entraînant  toute ma famille, soit je combattais et je recevais la paye qui m’a permis de m’en sortir. Le choix a été rapidement fait. C’est terrible, mais c’était la seule solution.

Arthur : Il y a toujours le choix. Tu aurais pu choisir d’être un homme bien, et là Dieu te donne l’occasion de te rattraper.

Robert : Seuls les très courageux arrivent à se rebeller. Je crois que tu ne te rends pas compte. Ce petit me rappelle un peu moi, il ne fait qu’obéir à des ordres qu’on lui a donné en se faisant payer pour distribuer ces journaux sans même savoir ce qu’ils signifient. Laissons-le se cacher chez nous le temps que tout ça se calme.

Gérard : Ils ne s’arrêteront pas tant qu’ils n’auront pas eu tous ces foutus communards alors autant le livrer maintenant.

Robert : Non il faut justement que ça cesse maintenant, rien qu’hier les massacres au père Lachaise ont tué des centaines de personnes, tout ça va sûrement bientôt  finir.

Gérard : Ah, Le massacre au Père Lachaise… Ce 27 Mai fut un véritable honneur ! J’étais fier de faire encore partie de l’armée à ce moment… Enfin bref, t’as raison Robert, avoir tué autant de personnes à cet endroit va probablement marquer la fin des communards, il n’en restera plus un seul. Donc de toute façon ce petit ne fera pas long feu autant qu’il se rende tout de suite.

Robert :  Mais tu te rends compte !!! Toutes ces atrocités que nous avons commises… Regarde, il y a un mois, le 27 avril  j’ai dû bombarder les francs-maçons et j’ai fait tomber le Fort de Paris.

Gérard : Bravo je te félicite mon ami.

Robert : Moi je n’en suis pas fier, à côté j’ai détruit la maison de dizaines de gens. Ces personnes n’avaient rien à voir avec toute cette histoire ! Les gens ont assez souffert comme ça, il faut être les plus intelligents et être les premiers à dire stop. Gardons ce petit, offrons lui une chance.

Gérard : En tant que bon soldat, j’ai une entière confiance en notre chef M. Thiers, on faisait tout ce qu’il nous ordonnait lorsque je me battais encore, regarde : il nous a ordonné d’établir un barrage à Montreuil pour bloquer la sortie Est, et on l’a fait en seulement deux jours. Vous imaginez ? Essayez de faire mieux. Et je pense qu’à notre place Thiers déciderait de livrer l’enfant ! Alors qu’est ce qu’on attend ?

Louisa : Comment oses-tu dire ça ?! Adolphe Thiers n’est qu’un traître, il a fondé sa République sur le sang des communards. J’ai peur que ma meilleure amie soit déportée vers la Nouvelle-Calédonie pour qu’elle ne « contamine  pas la société par ses idées » comme ils savent  le dire !

Henri : Mais oui ! Ne croyez-vous pas qu’il y a eu assez de morts comme ça ? Hier j’ai encore entendu des coups de fusils et des dizaines de communards ont été massacrés avec cruauté. C’est maintenant qu’il faut commencer à agir si nous voulons un jour que tout ça se termine.

Arthur : Cette guerre a déjà fait beaucoup de morts insurrectionnelles. Ce n’est pas la mort de ce petit qui va changer les choses ! Personne ne remarquera sa faute et puis ça va, la guerre va finir, laissons-le tranquille.

Henri : Non mais, je suis complètement d’accord avec toi, ces derniers temps j’ai été témoin de nombreux incendies comme celui de l’hôtel de ville, les gens étaient tellement haineux et les drapeaux rouges flottaient dans le ciel. Je ne veux plus voir de tels événements, je ne le supporterai pas. Il est hors de question, on le laisse tranquille.

Louisa : Mais oui ! J’ai peiné pendant des jours pour essayer de retrouver mon mari. Il  est peut être encore en vie. Je connais cette douleur on ne peut pas infliger ça à l’enfant ni à ses parents. En plus, nous avons beaucoup d’appuis comme Georges Clemenceau, il partage nos idées et notre colère. Il est certain que cela va vite finir. Ce n’est pas le sacrifice d’un petit garçon de plus qui va changer la donne.

Henri : Écoutez, vous ne le saviez peut-être pas tous, mais je suis père de deux enfants et veuf après le décès de ma femme à la suite du deuxième accouchement, j’imagine bien ce que ses parents vont ressentir quand ils ne verront pas leur fils rentrer le soir. Non, nous ne pouvons pas faire ça! Ce serait inhumain.

Gérard :  Là n’est pas la question. Écoutez, j’ai combattu avec la bonne France en rejoignant les versaillais, nous avons attaqué ces communards avec une stratégie très spéciale : nous creusions des trous dans les murs pour les prendre par surprise et en exterminer le plus possible. Et grâce à ça, nous avons gagné cette guerre. Après tant d’effort, on ne peut pas se permettre d’en laisser passer un. Comme je dis toujours : il faut aller au bout des choses.

Henri : Je partage votre opinion : les communards n’ont pas pensé aux conséquences, ils ont été trop naïfs en ne pensant pas que Thiers monterait une armée aussi puissante. Il faut faire comprendre qu’à présent les Versaillais règnent. Moi je dis livrons l’enfant.

Arthur : Ah c’est facile de rejeter la faute sur les autres mais il faut aussi parfois se remettre en question. Personne n’est parfait mais tout le monde a le droit à une seconde chance.

Henri : Mais c’est leur faute, le Gouvernement n’a pas voulu capituler alors que Paris était assiégé et encerclé  par les troupes prussiennes. Maintenant, Paris est rouge de sang et de rage. Les versaillais ne font que de se défendre, ils n’ont pas d’autre choix. Je les suis sur ce coup là, ils ont vraiment montré leur puissance et leur fidélité.

Robert : Mais non, arrête de changer d’avis en permanence, les Versaillais m’ont enfermé dans une caserne, et m’ont obligé à lire tous les jours des journaux conservateurs avant de me libérer pour aller me battre contre les habitants de mon propre pays. Si ça ce n’est pas de la torture !

Le crieur : Je vous en supplie prenez une décision, les gardes seront bientôt là, puis cessez un peu de raconter votre vie. La mienne est en danger !

Arthur : Oui mon garçon, tu vois bien qu’on essaye de trouver une solution, laisse-nous débattre entre grandes personnes veux tu ?

Je disais, nous, la Commune, nous sommes un mouvement légitime et nos convictions sont réelles. La Commune se diffusent dans les journaux et les lettres. J’en ai écrit de nombreuses à ma famille pour leur raconter toutes les révoltes et situations dramatiques que j’ai vécu. Bref, nous avons été attaqué, nous avons riposté, point. Peu importe, tout ça pour dire qu’on devrait se mettre d’accord et ne rien dire pour laisser la vie sauve à ce petit.

Louisa : Je suis d’accord Arthur. Rendez-vous compte que les Versaillais ont conquis tous les quartiers de Paris, et ont fait appel à des mouchards pour débusquer les sympathisants de la Commune ?

Gérard : C’était d’ailleurs une très bonne idée! Hein compagnon.

Il donne un coup d’épaule à Robert, qui reste sans réaction.

Louisa : Arrête avec ça, laisse Robert tranquille, il s’en veut déjà assez ! Bref, Peu importe. Si on ne l’aide pas il n’a aucun moyen de s’en sortir. Je me suis toujours obligée à aider mon prochain. Regarde, Henri, j’ai donné des leçons particulières à tes enfants lorsqu’ils ne pouvaient pas aller en cours, comment peux-tu oser penser à livrer ce petit ?

Henri : Oui c’est vrai, je t’en remercie.

Louisa : Mon combat ne s’arrêtera pas tant qu’il sera en danger il faut que nous le gardions, quitte à se mettre en danger, de toute façon même si  on meurt, on aura fait notre part dans ces combats !

Henri : Tu as raison, Louisa, imaginez un peu, ses parents doivent déjà avoir plein de problèmes,  la famine ou la perte de leur maison, avec les canons et les incendies. Ils n’ont pas besoin de vivre un drame comme la mort de leur enfant.

Arthur : Je suis un paysan hongrois menant une vie de patachon, que la France a accueilli. Alors pourquoi tuer un pauvre enfant qui ne connaît même pas la vie ?  Je suis venu étudier à Paris durant ma jeunesse et regardez l’homme que je suis devenu grâce aux études ! On ne peut pas livrer un innocent si facilement !

Louisa : Je suis d’ accord avec toi. Étant institutrice, à  30 ans je gagne seulement 75 centimes par jour. J’ai beaucoup souffert de cette révolte, j’ai fait partie du bataillon des enfants perdus et j’ai aidé les soldats blessés, j’ai envie à présent d aider cet enfant, regardez-le : il est si jeune, si beau, plein d’ambitions. Il mérite qu’on le protège quitte à se mettre en danger. J’espère, un jour, pouvoir me venger de ces personnes qui ont obligé de si nombreuses familles à se sacrifier.

Le crieur :  Vous vous éloignez un peu du sujet  non? J’entends déjà les gardes fouiller les maisons d’à côté.

Gérard : Toi ferme-la, parce que sinon dans peu de temps tu ne pourras plus l’ouvrir !  Louisa, Je ne regrette absolument pas ce que j’ai fait, il y a trois jours, j’ai tiré sur Charles Delescluze, qui était une des figures les plus importantes des communards et surtout  vieux comme les rues, mais contrairement à ce que je pensais ça ne les a pas empêché de continuer leur combat. Ils sont capables de tout ceux-là. Je le sais, j’en ai confronté plus d’un. Et c’est pour cela qu’il ne peut pas nous échapper. Dieu seul sait de quoi il est capable.

Henri : Oui, puis vous les communards, vous ne pouvez pas jouer les saints non plus, vous avez vous aussi tué plein de gens.

Louisa :  Mais ça n était pas par envie ! Mon mari est seulement entré dans l’armée pour obtenir la solde, ce revenu nous a permis de survivre dans cet enfer, le seul moyen de s’en sortir. Il n’avait pas du tout envie de combattre et de prendre part à cette guerre.

Robert : Comme votre mari je n’ai pas voulu une seule fois faire ce que j’ai fait, mais une fois engagé aucun retour en arrière n’est possible ! J’ai donc du exécuter les ordres qu’on me donnait, sinon je me faisais exécuter. J’ai même dû tuer un ami parce qu’il s’était rebellé. Je regrette terriblement, mais je n’ai pas pu le sauver alors, aujourd’hui, j’essaie  de sauver la vie de cet enfant.

Arthur : Mais oui, sauvons-le. Regardez, moi, je me suis réfugié chez des personnes qui soit disant avaient la possibilité de m’accueillir. Bien sûr, ils ont fini par me trahir en me dénonçant. Heureusement j’ai pu m’échapper à temps, et trouver un abri dans cet immeuble. Il faut que le petit puisse avoir confiance en nous. En tant que pur socialiste, j’aimerais aider mes confrères. Donc pour l’instant je veux aider ce petit, et si possible sans me faire tuer…

Louisa : Je suis d accord, écoutez moi pour une fois, une femme révolutionnaire c’est très mal vu dans notre société.  J’ai toujours pleins d’idées intéressantes mais regardez : personne ne m’écoute. Alors imaginez un peu comment j’ai eu du mal à m’en sortir seule dans cette situation. Donner la chance à un enfant d’ avoir un avenir n’a pas de prix, laissez-le s’en sortir je vous en supplie !

Arthur : Il est facile de changer d’avis, il suffit d’être ouvert d’esprit et de s’intéresser aux idées des autres. Moi, j’ai beaucoup été influencé par ma femme avec des idées bien tranchées. Elle m’a convaincu de m’engager fermement contre les versaillais en construisant des barricades et en portant toujours une écharpe rouge. C’est facile de choisir la facilité, de le livrer aux autres mais entres communards il faut s’entraider. Bon après je conçois que vous ne voulez pas le payer de votre vie, vu qu’on ne le connaît pas cet enfant, alors je suivrai la majorité…

Henri : Écoutez, j’ai une histoire qui vous fera peut être changer d’avis. Un jour, j’ai entendu des cris dan la rue alors je suis descendu pour voir ce qui se passait. Et là, une femme était  se faisait violer. Bien sûr, je suis tout de suite intervenu. Et devinez quoi ? C’était un versaillais. On ne peut pas leur faire confiance, ce sont des animaux !

Gérard : Mais c’est les dommages collatéraux. Tout ne peut pas bien se passer pour tout le monde.

Arthur : Je peux comprendre que les gens aient soif de justice mais là ça va trop loin, tes propos sont plus que désobligeants. Les enfants n’auraient jamais dû être impliqué dans cette guerre, ils n’ont même pas encore d’avis, ils ne font que suivre celui de leurs parents.

Gérard : Mais écoutez, chacun ses problèmes dans la vie. Moi, je me suis engagé très tôt dans l’armée, je n’ai jamais eu le temps pour une femme et encore moins des enfants. Et non, à aucun moment je me suis senti mal d’ avoir violé des femmes, elles avaient qu’à ne pas traîner dans la rue. Elles auraient dû rester chez elles. Et puis ça va je sers déjà ma patrie toute la journée, je peux bien me défouler un peu.

Henri : Ce que tu racontes est horrible,  tu n’es qu’un mufle ! Pendant toute une semaine et bien avant même, j’ai vu des dizaines de femmes se faire violer et des enfants se faire brutaliser. Vous, les versaillais n’avez vraiment aucun scrupule. Rien que l’idée de voir quelqu’un souffrir, ah ! Ça me répugne. Jamais je ne laisserai l’enfant se faire livrer aux armées versaillaises.

Gérard : De toute façon, tu ne fais que changer d’avis toi, et puis je ne vous laisse pas le choix, soit vous livrez l’enfant, et je ne vous dénonce pas. Soit vous décidez de le sauver et de périr avec lui.

Arthur : Oui, finalement je ne me vois pas risquer ma vie… notre vie avant la sienne !

Louisa : Mais on ne…

Les gardes arrivent.

Gérard, Henri et Arthur : Voici le traitre ! Faites le payer !

Publié le 8 juin 2021
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