Créer

L'élégance de vos absences : l'emprisonnement (France, 1943-1944)

« L’élégance de vos absences » est un projet d'écriture mémorielle, un hommage rendu à des parents disparus. Sous ce titre, le photographe Gilles Mercier met en récit une période tourmentée de son histoire familiale grâce à la découverte d'archives privées. Une exhumation documentaire qu'il transforme en immersion par la photographie, allant de la Tunisie de l'entre-deux-guerres jusqu'à l'Europe des années 1940. Pour Entre-Temps, il retrace en trois volets le parcours intime et combattant de son grand-père Pierre. Des maquis du Puy-de-Dôme au transit à Compiègne avant la déportation, en passant par la période d'emprisonnement à Clermont-Ferrand, et au fil des souvenirs d’enfance, des témoignages de parents et de compagnons de route, il nous conduit dans les méandres d’une existence faite d’engagements et de périls.

En mai 1943, Pierre alias « Maxime » a la responsabilité de l’ensemble des maquis de la région auvergnate. Le Réseau Mithridate auquel il appartient finit par être infiltré par un homme recruté par la Gestapo. Disposant de renseignements suffisants, la police politique du Reich décide alors de commencer son action. Dans la nuit du 10 au 11 octobre 1943, secondée par la Milice, elle procède à une série d’arrestations dans toute la zone sud, dont celle de Pierre. Il est envoyé à Clermont-Ferrand où, durant près de cinq mois, il occupe la cellule 42 de la prison militaire allemande du 92. Si cette prise a permis aux Allemands de mettre la main sur un certain nombre de documents, ils ne peuvent obtenir aucune information de Pierre, qu’ils classent Nacht und Nebel (ou NN, « Nuit et Brouillard »). La décision est prise de le déporter au camp de Mauthausen. Durant la période d’enfermement à Clermont, Pierre réussit clandestinement à rester en lien avec l’extérieur.
La cellule de Pierre a des murs blanchis à la chaux, son sol est cimenté. Elle est éclairée par deux fenestrons haut placés, avec de solides barreaux doublés d’un grillage très serré. Les conditions d’hygiène sont lamentables. La vermine abonde. Le premier bruit du matin est celui des couvertures que l’on secoue dans la cour. Dessin Florent Bossard.

 

Chaque nuit, la SS vient chercher des prisonniers afin de les « interroger » à la villa La Voulzie de Chamalières. Une demi-heure de promenade permet des contacts entre détenus.

 

Lettre officielle relue et validée par la Gestapo afin de rassurer sa famille. Pierre fait aussi passer de façon clandestine plus de 12 enveloppes à sa sœur et à certains camarades résistants. Chaque enveloppe contient plusieurs messages rédigés sur des feuilles de papier à cigarettes.

 

Madeleine veut éviter le peloton d’exécution pour son frère. Elle espère pouvoir organiser sa fuite si s’opère un transfert en camp « de travail ». Pierre l’informe tant qu’il le peut. Dessin Florent Bossard.

 

Pierre Mercier reçoit des paquets que lui envoient Madeleine ou ses anciens camarades du Maquis : médicaments, vêtements ou nourriture. Ils sont alors inspectés par des gardiens civils ou des soldats de la Wehrmacht. Nombreux sont ceux qui ne reçoivent ni linge, ni vêtements.

 

Dans tous ses messages, il fait part de ses principales inquiétudes et préoccupations : sa famille restée en Tunisie, son souhait de pouvoir participer aux derniers combats, la déportation, s’il n’est pas fusillé, et la sécurité de ses camarades du maquis.
Publié le 6 avril 2021
Tous les contenus de la rubrique "Créer"