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L'élégance de vos absences : le déracinement (France, 1942-1943)

« L’élégance de vos absences » est un projet d'écriture mémorielle, un hommage rendu à des parents disparus. Sous ce titre, le photographe Gilles Mercier met en récit une période tourmentée de son histoire familiale grâce à la découverte d'archives privées. Une exhumation documentaire qu'il transforme en immersion par la photographie, allant de la Tunisie de l'entre-deux-guerres jusqu'à l'Europe des années 1940. Pour Entre-Temps, il retrace en trois volets le parcours intime et combattant de son grand-père Pierre. Des maquis du Puy-de-Dôme au transit à Compiègne avant la déportation, en passant par la période d'emprisonnement à Clermont-Ferrand, et au fil des souvenirs d’enfance, des témoignages de parents et de compagnons de route, il nous conduit dans les méandres d’une existence faite d’engagements et de périls.

Archives Mercier, Famille Mercier-Harant, Jura, 1934. Pierre et Fernande retrouvent leur famille pour les quelques rares vacances prises depuis leur installation en Tunisie en 1932 et depuis que Pierre est en charge de la ligne Mareth.

L’enquête nous mène en France où Pierre Roger est muté le 8 octobre 1942 à titre de sanction disciplinaire. Son implication récurrente dans l’opposition à la politique de collaboration ne peut plus être tolérée par le régime de Vichy. Dès lors, Pierre est déraciné : de l’Auvergne où il coordonne l’action des maquis locaux jusqu’à son arrestation en 1943 et sa déportation l’année suivante, il correspond avec sa famille restée en Tunisie.

Ses nouvelles responsabilités ne l’empêchent pas de chercher en permanence à donner de ses nouvelles à sa famille et à savoir ce qu’elle devient. Quelles que soient les circonstances, du 10 octobre 1942 au 20 septembre 1943, par 23 messages, il continue de manifester son souci et ses préoccupations. Mais, depuis le 23 février, aucun message ne parvient à Tunis jusqu’au 10 juin, alors que cela fait maintenant cinq mois qu’il est en Auvergne. Au même moment, de l’autre côté de la Méditerranée, sa famille manque d’argent. Les difficultés pour trouver de la nourriture oblige parfois à échanger les vêtements contre du couscous… Sans oublier les bombardements alliés qui, chaque soir, précipitent dans les tranchées le petit Claude et sa sœur Michèle, enfants de Pierre, avec leurs valises.

Extrait de la correspondance de Pierre en janvier 1943, délivrée à sa famille en Tunisie quelques mois plus tard | Photomontage : Pierre, Fernande, Claude et Michèle, Tunisie, 1941.

 

« Image fantasmée des maquis ». Archives manuscrites de la famille Mercier , 28 janvier 1943.

 

Il y a peu de détails concernant les missions de Pierre. Décrit comme solitaire, il fédère pourtant rapidement l’ensemble des différents maquis, notamment dans le cadre de l’opération de sabotage du Viaduc des Fadès en été 1943.

 

Gilles s’est approprié l’esprit des maquis en imaginant les décors du massif Central qui furent témoin de la vie de traquée de son grand-père et de ses compagnons d’armes.
Publié le 23 février 2021
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