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Immersion en Révolution : de la mise à l'écrit à l'aventure sonore (2)

Cette année, des élèves du collège Antoine de Saint-Exupéry de Rosny-sous-Bois se sont trouvés embarqués dans un projet autour de la Révolution française, lancé par leur professeure d’histoire et leur professeure documentaliste. Pour Entre-Temps, elles reviennent sur sa genèse et son déroulé, avec ses espoirs, ses contraintes et ses (légers) revers. Si le premier épisode revenait sur la conception du projet, le second propose un aperçu du travail concret d’enregistrement des élèves.

Dans cette aventure pédagogique, des groupes d’élèves devaient incarner un personnage, fictif ou réel, vivant une journée révolutionnaire donnée. Ils avaient, dans un premier temps, mené des recherches documentaires au CDI sur l’individu et l’événement qui leur avaient été attribués. À la suite de cette première étape, ils avaient réalisé un petit texte et raconté la journée révolutionnaire du point de vue de leur personnage. Cette incarnation devait permettre aux élèves d’appréhender les faits historiques, mais aussi les conditions sociales et intellectuelles dans lesquelles vivaient les femmes et hommes de l’époque, pour écrire un récit cohérent avec un narrateur interne.

Une fois ce texte corrigé et rédigé, ils devaient le déclamer à la manière de leur personnage.

Ophélie Voirin : Tablettes à la main, j’accueille les premiers groupes au CDI pour qu’ils enregistrent leur récit. Je leur rappelle que l’idée est vraiment d’incarner leur création. Il faut donc y mettre le ton. Mais tout de suite, je sens que j’ai peut-être un peu surestimé la capacité des élèves à se mettre en scène. Les adolescents passent leur journée à se filmer et à s’envoyer des « storys » via Snapchat, mais quand il s’agit de s’enregistrer dans le cadre d’un travail pédagogique précis, ils ne savent pas se détacher du scolaire. Timides, hésitants, ils manifestent leur pudeur avec plus ou moins de virulence. La plupart des groupes ont ainsi refusé que je sois à leur côté pendant l’enregistrement. Mais qu’à cela ne tienne, j’ai eu aussi des petites révélations comme cet élève qui, spontanément, s’est proposé de lire le texte à la place de ses camarades. Et finalement, même si ce n’était pas gagné, tous les groupes sont repartis du CDI avec un enregistrement audio.

Restait encore à les écouter…

La découverte des œuvres des élèves a eu lieu lors d’un des rares moments de calme au CDI. Si certains, prévoyants, avaient heureusement fait plusieurs prises, ils avaient parfois oublié d’effacer leurs essais infructueux. Si toutes les corrections de travaux d’élèves pouvaient être aussi divertissantes ! Entre les rires et les loupés, il s’est avéré difficile de garder son sérieux. Mais globalement, ces petits cafouillages seraient faciles à enlever au montage. Il y eut également quelques révélations, de jolis textes et des déclamations enthousiastes. Au terme de cette séance d’écoute, le projet touchait à sa fin. Mais finalement, pourquoi s’arrêter là ? Alors qu’Ophélie Voirin s’était proposée pour le montage, l’idée est venue de continuer l’aventure en confiant cette dernière tâche aux élèves.

Ce fut le moment de l’ultime étape, plus improvisée, du projet. Pour gagner du temps, des fonds sonores, directement utilisables, avaient été présélectionnés par les deux professeures. Et une nouveauté : un changement de lieu. Exit le CDI et ses ordinateurs trop lents, place à la salle multimédia, plus spacieuse et plus adéquate, mais plus contraignante. Là encore, rien n’a été simple. Et pourtant…

Ophélie Voirin : Armées d’une clé USB et de tutos papiers, nous avons laissé les élèves se familiariser avec Audacity, qui n’est ni le plus récent ni le plus élaboré des logiciels de montage audio, mais qui est idéal pour une première approche. Au final, si le démarrage a pu sembler long et semé d’embûches, les élèves ont bien su respecter les consignes et se sont impliqués. Là encore, quelques révélations, comme cet élève resté un peu après ses cours pour pouvoir terminer. Et surtout, des travaux de qualité. Les enregistrements mal ficelés, ponctués de rires et d’hésitations, ont laissé la place à des tranches de vie, historiquement cohérentes et harmonieuses.

Un enregistrement d’élève sur le logiciel « Audacity »

Florie Varitille : Voilà que les élèves s’étaient approprié le projet de ces quatre semaines, avec ses mises en route parfois lentes, ses hésitations et ses difficultés en histoire chargées d’anachronisme. Fières du travail accompli par nos groupes et enthousiastes (peut-être trop finalement), nous avons organisé une séance d’écoute. Ophélie Voirin devait venir dans ma classe et leur proposer de diffuser les enregistrements, soit sur le site internet du CDI, soit dans le collège grâce à des QR-code à flasher. Et là, en direct de la salle 229, nous avons assisté à une belle catastrophe ! Cris, hurlements : une très jolie cacophonie. Entre les différentes envolées lyriques des élèves, nous sommes finalement parvenues à saisir leur message : ils s’opposaient catégoriquement notre proposition. En fait, nous avons été confrontées à un double refus : celui de s’écouter et d’être écouté par les autres.

Ophélie Voirin : On retombe dans cette idée que les élèves font une trop grande distinction entre ce qui se passe à l’école et à l’extérieur. Habituellement, cela ne les dérange pas que leurs amis les regardent par écran interposé. Mais quand il s’agit d’entendre sa voix dans le cadre d’une production encadrée, il n’y a plus personne. Exit l’exposition et les QR-code ! En dernière tentative, une autre idée m’est alors venue : faire appel à l’esprit de compétition des élèves en consacrant une page à leur travail dans le journal du collège que nous allions faire participer au prix académique du meilleur média scolaire. Aucun signe pour l’instant… Mais, en tant qu’enseignantes, nous restons pleines d’espoir : un élève est venu au CDI lors d’une récréation pour écouter son enregistrement. En revenant me voir après, il m’a dit : « C’est super bien » et semblait motivé à l’idée que nous puissions publier ce qu’il avait fait avec son groupe. C’est dans ce genre de moment que tout le corps enseignant croise les doigts !

Le projet est à présent terminé. Finalement, les élèves se sont approprié cette idée, bien définie sur le papier, et ont réalisé de beaux travaux. Après tout, c’est à eux, en tant qu’auteurs, qu’appartient le droit, ou non, de la diffusion. Ils l’ont bien exercé !

Pour l’heure, ces enregistrements dorment et prennent la poussière sur une clé USB. Mais finalement, les élèves ont travaillé sur la Révolution française, se sont attachés à certains événements importants et en garderont peut-être un souvenir. Enfin, nous l’espérons, car une fois les élèves revenus à des cours plus classiques en classe, une élève a demandé : « Mais Madame, au fait, c’est quand la Révolution ? ».

Retrouvez ici le premier épisode.

Publié le 27 avril 2020
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