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Festival Hors Pistes - Le peuple des images

À l'occasion de la quinzième édition du festival Hors Pistes, au Centre Pompidou, dédiée au "peuple des images", Patrick Boucheron et Mathieu Potte-Bonneville explorent cette semaine, le temps de quatre rencontres, les termes mêmes du thème de cette édition : "quel peuple ? quelles images ?".

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Pour des raisons différentes, l’idée d’un « peuple des images » paraît d’abord suspecte aux yeux de l’histoire comme de la philosophie : pour celle-ci, et depuis la caverne platonicienne, les images seraient à la fois bonnes pour le peuple (le philosophe doit donc savoir s’en exempter) et mauvaises pour lui (le philosophe doit donc pouvoir l’en libérer). Pour celle-là, les images formeraient la manière spontanée dont un peuple se raconte à lui-même son histoire – et pour cette raison même devraient être écartées, collection de chromos et de vues édifiantes contre laquelle s’est construite une part de l’histoire contemporaine.

Reste qu’à vouloir traverser le voile des illusions, ou déchirer les vignettes qui à chaque date associent une figure grandiose ou pathétique, on se prive peut-être de comprendre dans leur épaisseur même les formes qu’adopte la culture visuelle, mais aussi les actions et les aléas par lesquels un peuple se figure lui-même, c’est-à-dire se représente, s’appréhende, trouve une consistance en se donnant une silhouette, anticipe sur son unité ou entend décider de son devenir par l’image qu’il s’en fait. Il y aurait, à ce titre, diverses manières d’imaginer le peuple (certaines lui faisant écran, d’autres y donnant accès) ; et il y aurait à rebours plusieurs façons pour un peuple d’imaginer, ou d’être imaginé par d’autres, façons qui tantôt ouvrent un espace de jeu dans l’ordre des pouvoirs et des identités, et tantôt le referment en assignant chacun à sa place, et sage comme une image.

Comme l’a montré Patrick Boucheron dans son livre Conjurer la peur (Seuil, 2013), Ambrogio Lorenzetti entendait en peignant la fresque du Bon Gouvernement tout à la fois résister à la tyrannie, éteindre le brasier de la guerre et restaurer l’intégrité politique de la commune de Sienne. C’était en 1338. Quelles sont les vues – c’est-à-dire les visées et les enseignements, les objectifs et la lucidité – des images populaires d’aujourd’hui, celles qui circulant d’un smartphone à l’autre semblent au fil des foules incarner l’unité du peuple avec lui-même ? À moins que le peuple ne soit à chercher ou à édifier dans l’entre-deux des images, qu’il cherche stratégiquement à faire passer inaperçu ou qu’il revendique, au moment où il se met en scène, représente les invisibles.

Quatre rencontres, du 27 au 31 janvier à 18h, Forum -1, Centre Pompidou.

Pour consulter le programme complet du festival, voir le site du Centre Pompidou.

Publié le 28 janvier 2020
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