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Huis clos aux Archives - Épisode 2 : le cadre de l'intrigue

Cette année, des élèves de seconde du lycée Maurice Utrillo, à Stains, écriront une nouvelle policière en lien avec les Archives : celles-ci, entendues comme lieu ou comme documents, comme cadre ou nœud de l'intrigue, devront jouer un rôle clé dans leur récit. Entre-Temps, en quatre épisodes, suivra les principales étapes de ce projet initié par les Archives Nationales. Le deuxième épisode, que nous raconte leur enseignant Aurélien Cunat, revient sur les Archives comme lieu possible du crime ou cadre de l'intrigue.

Photographie Anna Rouker
Photographie Anna Rouker

Élisabeth Schmit : Lors du premier épisode, nous avions évoqué la première visite des élèves aux Archives à l’occasion de l’exposition sur la science à la poursuite du crime. Comment passe-t-on de cette visite à la conception des Archives comme le lieu possible d’une intrigue à suspense ?

Aurélien Cunat : Après avoir exploré le lieu, nous nous sommes intéressés aux souvenirs des élèves : quels lieux leur ont semblé angoissants, fermés ou au contraire agréables, lumineux ? Nous avons d’abord travaillé sur leurs souvenirs. Nous nous sommes ensuite appuyés sur le travail de la photographe Anna Rouker qui a passé plusieurs jours à arpenter les Archives pour proposer des prises de vues du lieu – extérieures et intérieures, de jour et de nuit. Ces photographies ont permis de passer d’une exploration sensorielle à un travail de description littéraire s’appuyant à la fois sur les souvenirs des élèves et sur ce qui ressort des photographies.

Photographie Anna Rouker
Photographie Anna Rouker

Élisabeth Schmit : Les Archives Nationales sont un lieu pluriel, qui se divise en plusieurs espaces spécifiques, auxquels le public n’a d’ailleurs pas toujours accès. Une partie du projet vous a-t-elle conduit à une réflexion sur ces différents espaces ?

Aurélien Cunat : Les élèves ont dans un premier temps exploré les différents lieux des Archives, lieux ouverts au public ou plus confidentiels. Cette première visite a déjà été riche en idées : enfermement, cachettes… Le lieu fourmille de possibilités. Les élèves ont découvert des lieux comme les hangars ou les magasins d’archives, lieux clos et aux codes très spécifiques. Pour un public extérieur, ce sont des endroits propices à un imaginaire policier ou de roman à suspense. D’emblée, les élèves ont imaginé des scénarios de fuite ou de course-poursuite dans ces longs couloirs aux portes automatiques. La romancière Françoise Henry les a ainsi poussé.e.s à développer ces débuts d’histoire en prenant les lieux comme des personnages à part entière : les intrigues ont pris leur source dans les impressions que provoquaient les lieux.

Photographie Anna Rouker
Photographie Anna Rouker

Élisabeth Schmit : Et à ces lieux ne sont pas attachés une impression fixe, puisqu’ils évoluent selon les heures de la journée, selon que le public et/ou le personnel y évolue, selon l’ouverture ou la fermeture du site… le regard de la photographe a-t-il ici joué un rôle particulier ?

Aurélien Cunat : Bien entendu, le travail d’Anna Rouker a permis aux élèves d’approfondir leur regard sur les Archives. Ses prises de vues proposent un changement d’ambiance selon le cadre choisi, la luminosité ou la présence d’individus dans le cadre. La salle de lecture des Archives sous la lumière des grandes baies vitrées et avec des chercheurs y travaillant n’éveille pas les mêmes sensations une fois vide et la nuit tombée. Anna Rouker a ainsi fait réfléchir les élèves sur le travail du photographe : prendre une photographie, c’est déjà raconter une histoire. Les élèves seront amenés à faire de même d’ici quelques mois pour illustrer leur nouvelle. Cette réflexion sur le regard nourrit ainsi à la fois le travail d’écriture – une description dépend du point de vue utilisé, des connotations qui colorent le lieu décrit – mais aussi la sensibilité artistique des élèves. 

Photographie Anna Rouker
Photographie Anna Rouker

Élisabeth Schmit : Le lieu des Archives est indissociable de ceux qui l’arpentent et y travaillent, mais vous cherchez aussi à faire jouer un rôle dans les récits imaginés par élèves aux objets que l’on peut y trouver. Les élèves ont-ils pu les manipuler ? Quel rôle peut-on imaginer qu’ils pourraient jouer dans les intrigues ?

Aurélien Cunat : En effet, nous souhaitions que les Archives se déclinent autour des lieux qui les composent, des personnes y travaillant, et des objets qui en sont le centre même. Avec Annick Pegeon, responsable du pôle éducatif des Archives, les élèves ont pu manipuler des archives de différents siècles et de différentes natures. Du testament de Suger à des cartes du XVIIIe siècle, en passant par des registres de militaires ou des codes secrets durant la Guerre froide, les élèves ont arpenté des documents riches d’informations sur l’histoire mais aussi propres à des récits à suspense. Notre but n’était pas de faire de l’objet-archive un simple accessoire de l’intrigue mais bien un personnage central. D’emblée les élèves ont imaginé qu’un personnage trouve son nom dans un registre de décès, qu’un autre découvre un code secret dans des Archives, ou une carte oubliée dans un magasin. En manipulant les objets, les élèves ont aussi été directement en contact avec le travail d’archiviste, comprenant les enjeux de la conservation d’objets chargés de mémoire(s).

Photographie Anna Rouker
Photographie Anna Rouker

 

Retrouvez ici le premier épisode, et davantage d’informations sur l’offre pédagogique des Archives sur le site des Archives Nationales.

Publié le 4 février 2020
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