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Récits dépeuplés, êtres absents : sur différentes formes d'histoire à venir

Première séance, la semaine dernière, du séminaire de Patrick Boucheron et Romain Bertrand intitulé "Faute de mots. Recherches sur l'histoire empêchée". Retrouvez ci-dessous le lien vers les vidéos des différentes communications des intervenants et des poèmes cités par Marielle Macé lors de son intervention.

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Charles Caseau, Bird Decorations for Stoneware, American, active c. 1935, 1935/1942, Index of American Design. Source : National Gallery of Art

 

Il est des êtres – certains ligneux, d’autres éthérés, d’autres encore tapis au creux de nos âmes – pour lesquels nous n’avons plus de mots. Ces êtres, la question n’est pas d’y croire, mais de les écrire, ou plus précisément de les décrire : de les convoquer dans nos récits par le moyen d’un lexique et d’une syntaxe. Or, des mondes tout à la fois proches et lointains dont traite l’historien – et aussi bien l’anthropologue –, le parler souvent s’est perdu. Qui sait encore ce qu’est un élytre, et comment se comptent les tarses et les ocelles ? Peut-on ressusciter certains de ces lexiques ? Avant de s’y essayer, encore faut-il les inventorier. C’est à cette tâche que s’attelle le livre de Romain Bertrand, Le détail du monde. L’art perdu de la description de la nature (2019). Après une introduction générale de Patrick Boucheron, la conversation s’engagera sur la manière de poursuivre ce travail d’inventaire et de réinvention des possibilités d’une histoire à venir, dans les domaines du savoir les plus variés.

Avec Marielle Macé, Philippe Artières, Romain Bertrand et Patrick Boucheron.

Poèmes cités par Marielle Macé, à lire en complément de son intervention.

« What’s in a bird », de Valérie Rouzeau (dans Sens averse, La Table ronde, 2018)

What’s in a bird un albatros mort sur une plage
What’s in a bird nombreux pas une chanson volage
Mais bouchons de bouteilles sans message de l’oiseau
Coca fanta soda du zéro sucre sans joie
Des pailles comme s’il y avait la mer à siroter
Des morceaux de poupées barbies pas de musique
Des perles de toutes tailles et couleurs en plastoc
Des cartes suscriber identity module
Des chewing-gums des codes-barres des branches de lunettes noires
Des tubes de rouge à lèvres et des capotes anglaises
Peut-être aussi un peu d’une tortue médusée
(Une tortue confondant sac plastique et méduse)
What’s in a bird échoué sur le sable mauvais
Du temps atroce qu’il fait – l’oiseau actualisé.

Francis Ponge, « Notes prise pour un oiseau », 1953, extrait.

L’oiseau. Les oiseaux. Il est probable que nous comprenons mieux les oiseaux depuis que nous fabriquons des aéroplanes.
Le mot OISEAU : il contient toutes les voyelles. Très bien, j’approuve. Mais à la place de l’s, comme seule consonne, j’aurais préféré l’L de l’aile : OILEAU, ou le v du bréchet, le v des ailes déployées, le v d’avis : OIVEAU. Le populaire dit Zozio. L’s je vois bien qu’il ressemble au profil de l’oiseau au repos. Et oi et eau de chaque côté de l’s, ce sont deux gras filets de viande qui entourent le bréchet.

Vous pouvez retrouver l’ensemble des vidéos de la séance en suivant ce lien.

Publié le 20 mai 2019
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