L’histoire, au corps-à-corps
Au mois de septembre se rejouait à la Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis "La Ruée", performance collective orchestrée par le chorégraphe Boris Charmatz et inspirée par l'"Histoire mondiale de la France". Quelques semaines plus tard, chorégraphe et historien dialoguaient à Bobigny sur ce que le critique Gilles Amalvi a appelé une "transe-histoire de la France". Patrick Boucheron revient aujourd'hui sur cette histoire au corps-à-corps.
En ces temps épidémiques, le thème, pourtant bien classique, de la transmission de l’histoire peut prendre une densité particulière. Mais aussi des détours inattendus. Car il n’est assurément pas banal de voir un livre d’histoire adapté en spectacle de danse. C’est pourtant ce à quoi s’est risqué le chorégraphe Boris Charmatz, le 24 novembre 2018, en investissant le TNB de Rennes de La Ruée. On y a vu, avec émotion et reconnaissance, un collectif artistique s’emparer du travail d’un collectif d’historiennes et d’historiens, celui qui fut rassemblé pour l’Histoire mondiale de la France (2017), et qui s’égayait là, avec rigueur et audaces, donnant corps aux savoirs et aux saveurs de l’histoire.
Dans «La Ruée : une transe-histoire de la France », Gilles Amalvi, artiste lui-même et critique de danse, revient sur cette expérience scénique qui donne à comprendre, et surtout à ressentir, une chorégraphie des intensités du souvenir. Lorsque La Ruée déboula à nouveau à la MJC93, les 18 et 19 septembre 2020, c’était dans un tout autre contexte, qu’électrisait l’entre-deux confinements. Dans le cadre de la série de rencontres « Toute notre histoire », toujours à Bobigny, Boris Charmatz évoque cette mise à l’épreuve de la transmission de l’histoire par les élans collectifs du corps, dans la continuité de son travail sur le Musée de la danse. Car c’est bien de cela dont il s’agit : du corps comme archive de la mémoire du monde, et de sa capacité à transmettre l’histoire.