L’Espagne et la naissance de la politique migratoire transatlantique (16e-17e s.)
Les politiques migratoires contemporaines se concentrent essentiellement sur l’impact des mouvements de populations sur les territoires d’« accueil ». L’Espagne des XVIe et XVIIe siècles se préoccupait, quant à elle, de réguler l’émigration pour éviter de déstabiliser une société ibérique aux conditions de vie difficiles. L’histoire est donc susceptible d’éclairer les politiques migratoires.
En France, en Europe, en Amérique et dans nombre de pays d’Asie et d’Afrique, la question de l’immigration domine actuellement les débats politiques. La mobilité de millions d’hommes et de femmes inquiète. Dans ces considérations agitées, les déplacements sont perçus sans tenir compte de l’origine des déplacés. Ce qui compte principalement est le fait que l’immigré est un étranger. Parti « d’on ne sait où », il est extérieur, et c’est l’unique point commun de tous les immigrés.
Or, leurs pays d’origine et leurs nationalités sont rarement évoqués et les conséquences de la migration sur les territoires abandonnés ne font l’objet que de peu de réflexion. Inclassables, dépourvus d’identité propre, ces immigrés s’inscrivent dans l’inconnu. Pour reprendre un terme utilisé par Pierre Bourdieu, les immigrés sont a-topos – sans lieu ni racine. Pourtant, comme en physique, le mouvement d’immigration ne peut exister sans préalablement connaître un mouvement d’émigration : on ne peut arriver quelque part sans être d’abord parti d’un autre endroit.
Lors du désenclavement du monde européen consécutif aux voyages de Christophe Colomb, et dans les premiers siècles de la vague migratoire hispanique, l’intérêt se porte surtout sur l’émigration. Les conséquences sur la communauté d’origine paraissent nombreuses. Avec les premiers départs massifs d’un continent à l’autre, cette mobilité planétaire revêt une acuité particulière.