
Le cinéma va-t-il disparaître ? Comment peut-il continuer ? Rencontres au Collège de France - 16 octobre 2024
À l'occasion des 50 ans de l'ouverture du premier MK2, le "14 juillet Bastille", le Collège de France accueille une journée de débats autour de l'avenir du cinéma. Pour Entre-Temps, Antoine de Baecque revient sur la tension, l'urgence de l'après, du lendemain, qui habite depuis longtemps le cinéma, et dévoile les balises des chemins qu'emprunteront les intervenant·e·s mercredi 16 octobre prochain.

Le 1er mai 1974, quand le « 14 Juillet Bastille » ouvre ses portes, premier cinéma lancé par MK2, la société fondée par Marin Karmitz en 1967, l’ambition consiste à ajouter à la salle de cinéma classique un lieu de contre-culture : une librairie, un espace d’exposition, et, surtout, un forum de débats. C’est dans cet esprit qu’une trentaine d’artistes, de cinéastes, de critiques, d’intellectuel·le·s, d’universitaires ont souhaité, au Collège de France, le 16 octobre 2024, poser au cinéma d’aujourd’hui deux questions de temps de crise, de moment d’urgence, d’avenir incertain non dénué d’espoir : le cinéma va-t-il disparaître ? Et comment peut-il continuer ?
Lors de l’été 1953, André Bazin s’interrogeait déjà : « Le cinéma est-il mortel ? » Le grand critique envisage sérieusement l’hypothèse, non comme un scoop journalistique, mais tel un « jeu de l’esprit » inscrit dans l’évolution générale des formes : lorsqu’une technologie fait l’histoire puis s’en efface.
Et souvent dans son histoire, effectivement, le cinéma a été soupçonné d’être dépassé, d’appartenir au passé, menacé d’une mort inéluctable et prochaine. Pourtant il n’a pas cessé non plus, à partir de cette condamnation même, d’inventer des formes cinématographiques qui lui ont permis de répondre à sa mort annoncée par un sursaut de vitalité, en portant les promesses de l’avenir. Le cinéma n’est vivant que de penser sa mort prochaine, d’autant plus vivant qu’il pense cette mort avec la fièvre de l’agonisant.
Sans doute est-ce pour cela que, de tous les arts, le cinéma semble le plus à même d’exprimer les brèches ouvertes de la crise : il est cet outil privilégié d’une figuration de la crise. Qu’inventer à partir de cette crise, ou, pour le dire autrement : comment continuer ? Que faut-il conquérir ? À quoi faut-il renoncer ?
François Truffaut imagine, dans son adaptation de la nouvelle de Ray Bradbury, Fahrenheit 451, une autre forme cinématographique de la vie resurgissant de la mort : ce sont les Hommes-livres, qui ont appris par cœur les ouvrages détruits par le feu par un régime totalitaire. Chacun connaît le sien et prend pour identité le livre qui le refait vivre et le nomme, La République, Les Hauts de Hurlevent, Ulysse, En attendant Godot, Mémoires de Saint-Simon, Chroniques martiennes ou David Copperfield. La petite communauté utopique des Hommes-livres, réfugiée dans un début du monde, s’instaure grâce au cinéma pour sauver la mémoire de la littérature, celle qui, précisément, permet aux humains de se projeter dans un devenir malgré l’adversité du temps présent.
Comme Truffaut, que peut-on inventer aujourd’hui ? Ce sont ces questions que nous nous poserons toute la journée du 16 octobre au Collège de France. Comment entrer dans le laboratoire du cinéma de demain ? Quelles pratiques cinéphiles font renaître l’amour du cinéma ? Les salles vont-elles tenir ? Quelle aura continuent-elles d’apporter aux œuvres, et pour quel public ? Et le cinéma lui-même peut-il changer ses règles ? Comment continuer d’en faire en se passant de pratiques « traditionnelles » que l’aujourd’hui des femmes, des autres, de l’« ailleurs », ne peut plus supporter ?
Programme de la journée du 16 octobre au Collège de France
9h30
Présentation, Antoine de Baecque, Patrick Boucheron
9h45-10h45
Projection de Chambre 666, de Wim Wenders (1982)
10h45-13h
Le cinéma va-t-il disparaître ?
Interventions :
- Claire Simon : le cinéma à mains nues
- Marie-José Mondzain : vie et mort du cinéma, dialogue avec ChatGPT
- Marc Cerisuelo : historicité du cinéma
- Hervé Joubert-Laurencin: qu’est-ce que la mort du cinéma ?
- Dork Zabunyan : mort naturelle ou assassinat du cinéma ?
- Raphaël Martin-Dumazer: fin du cinéma argentique ?
- Frédéric Sojcher: l’éphémère du cinéma
Table-ronde avec Romain Goupil, Mathieu Macheret, Serge Kaganski, Frédéric Bonnaud, Pierre Eugène, David Faroult, Elodie Tamayo, Fernando Ganzo.
Pause déjeuner
14h30-17h
Continuer le cinéma… Que faut-il conquérir ? À quoi faut-il renoncer ?
Interventions:
- Alice Diop: continuer
- Isild Le Besco : dire vrai
- Sandra Laugier : les compétences du spectateur
- Olivia Rosenthal : le naufrage, et après ?
- Jean-Claude Monod: toutes les histoires qui n’ont pas été racontées
- Laurent Roth: filmer avec le temps qui reste
- Olivia Cooper Hadjian: déjouer l’imagerie de masse
- Antonio Somaini : le cinéma à l’épreuve de l’IA
- Nicolas Klotz: la semence de la renaissance
Table-ronde avec Charlotte Garson, Monia Chokri, Clément Cogitore, Hélène Frappat, Murielle Joudet, Sandra Onana, Térésa Faucon, Chloé Galibert-Laîné, Elisha Karmitz, Nathanaël Karmitz, Aurélien Vernhes-Lermusiaux.
17h15
Projection de Chambre 999, de et en présence de Lubna Playoust (2023)
Vous pouvez télécharger le programme ici, et trouverez sur le site de l ‘École normale supérieure le programme de toutes les journées du colloque, qui s’étend du 15 au 18 octobre 2024.