La Guerre de Raoul Berthelé. 2 - Les voyages forment la jeunesse

Les voyages forment la jeunesse. On pourra ajouter qu’ils la font également parler. Premier constat pour les élèves du Bac Pro Animation Enfance et Personnes Âgées  (LP Gand – Académie d’Amiens) et du Bac Pro Photographie (LP Brassaï – Académie Paris) : on se parle, on échange, on discute. Les téléphones portables des élèves sont utilisés toute la journée pour prendre des photographies, et uniquement des photographies. Les données à l’étranger sont en effet suspendues pour éviter une future facture astronomique… Et le constat est rapide et optimiste : “Monsieur, on est bien obligé de se parler, nous n’avons plus nos téléphones. Et on apprend à se connaître.”
Alors que ces élèves se fréquentent depuis bientôt trois ans (ils sont en classe de Terminale) leur premier voyage leur permet au final de vraiment se rencontrer !
Le second constat est l’attrait que suscite cette rencontre avec l’Inde et avec New Delhi. Tout est prétexte à faire une découverte : le passage de la frontière, la circulation, les véhicules et les réactions mêmes des Indiens, lorsque ces derniers croisent nos regards.

Ce voyage est l’une des étapes du projet Amiens 15/18, un travail de mémoire partagée réalisé dans le cadre du chef-d’œuvre[1] et rendu possible par le soutien sans faille que lui a apporté la Direction de la Mémoire, de la Culture et des Archives (DMCA) du ministère des Armées, ainsi que la division Cardie de l’académie d’Amiens (Ministère de l’Éducation Nationale).
Évidemment, en débutant ce projet il y a deux ans, les élèves (tout comme leurs professeurs) ne pensaient pas se retrouver à New Delhi pour participer à un colloque international !
Les rencontres, parfois fortuites, et surtout le travail considérable et enthousiaste des élèves, ont permis de concrétiser cette idée (un peu folle) de partir en Inde pour présenter ce projet pédagogique, ce travail de mémoire partagée qu’ont aussi permis les fonds photographiques de l’ECPAD (Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense) et des archives municipales de Toulouse.

L’aide et l’accueil de l’équipe du lycée français de New Delhi ont permis à ce voyage d’être aussi efficace qu’agréable.
Leur soutien précieux a permis de surmonter les mille difficultés logistiques que pose un tel déplacement, de gérer au mieux un programme d’activités particulièrement dense, tout en se jouant des embouteillages de la mégapole indienne. Les connaissances et l’engagement, à nos côtés, de l’équipe du lycée français nous a vraiment été d’une grande aide.

Les élèves ont pu installer l’exposition Amiens 15/18 au sein du lycée et ont rencontré des élèves de différents niveaux, allant de la moyenne section à la terminale, pour présenter leur travail et faire une séance de médiation grâce aux photographies. Leur exposition a eu l’honneur d’être visitée par Emmanuel Lenain, ambassadeur français en Inde.
Les élèves ont pu constater que la perception de cette guerre est sensiblement différente en Inde de ce qu’elle est en France, tout comme sa mémoire.

Au lycée français. Crédits: Gabriel Girard / Terminale Bac Pro Photo (Lycée Brassaï).

90 000 soldats de l’Indian Army^[2] se sont battus entre 1914 et 1918 aux côtés des forces alliées. Cet engagement est peu documenté dans les manuels scolaires français et sûrement assez méconnu, encore aujourd’hui, des écoliers indiens.
L’engagement de l’historien Rana Chhina, directeur du Centre for Military History and Conflict Studies / United Service Institution of India, permet de revisiter cette histoire et de lui donner, en mobilisant les mémoires, plus de visibilité. Les élèves ont, dans ce cadre, pu présenter leur travail, en anglais, à un aréopage d’universitaires et de chercheurs internationaux. Le tout sous l’objectif de Gabriel, élève de bac pro Photographie qui a immortalisé leur prestation (ce dont les images de cet article témoignent).

Les élèves ont, à tour de rôle, pris la parole dans la langue de Shakespeare. Nécessitant un travail collectif et une importante coopération, ce projet a permis de souder leur groupe et l’a rendu autonome. Après une ultime répétition sous la houlette de deux enseignants d’anglais, les élèves ont montré toute leurs compétences professionnelles et pu mobiliser les savoirs acquis dans le cadre du programme d’histoire. Guidés par les clichés de Raoul Berthelé et des photographies de la Section Photographique et Cinématographique de l’Armée, ils ont pu expliciter l’apport de la photographie dans la construction de leurs savoirs.
L’accueil du public indien fut évidemment à la mesure des efforts fournis et de l’investissement consenti, formidable.

Après une émouvante et solennelle cérémonie au National War Memorial, le matin, au cœur du New Delhi, les élèves se sont rendus l’après-midi à Agra pour une visite moins protocolaire et académique du Taj Mahal. Conduits par le personnel du lycée français de New Delhi, ils ont pu profiter pleinement de cette visite.

Depuis, les élèves sont rentrés et sont partis en période de formation, en entreprise.
Nous sommes le 17 mai 2023. Nous les retrouverons bientôt, le 23 mai, pour présenter de nouveau ce travail, cette fois-ci dans les murs de l’ECPAD, à une classe de Première d’un lycée d’Ivry.
Avec cette interrogation: auront-ils de nouveau les yeux rivés sur leur écran de téléphone portable ou vont-ils continuer à se parler ..?

[1] Les élèves de Lycée professionnel doivent réaliser un chef-d’œuvre. Un projet qui peut être mené seul(e) ou en équipe en lien avec leur formation les métiers de la mode. Ce projet est à mener et à travailler sur deux années.

^[2] Markovits Claude. Les soldats indiens au secours de la France en 1914. In: Hommes et Migrations, n°1268-1269, Juillet-octobre 2007. Diasporas indiennes dans la ville. pp. 44-59.