
Humanités environnementales. Un champ à maturité ?
Mercredi 4 juin prochain, de 10 h à 16 h au Collège de France, l'environnement sera sous le feu, celui des projecteurs des sciences sociales. Louise Gentil et Patrick Boucheron organisent dans le cadre de l'initiative Avenir commun durable une journée de tables rondes dans l'amphithéâtre Maurice-Halbwachs. Au programme : deux séries de discussions entre chercheurs et chercheuses (archéologues, géographes, historien·ne·s et philosophes) pour prendre le temps d'observer les recours à la notion d'environnement dans les projets de recherche, mettre en commun les documentations et les pratiques d'enquête sur les objets environnementaux et soupeser les enjeux théoriques d'une recherche réellement interdisciplinaire et transpériodique.

Les humanités environnementales constituent un nouvel horizon de la recherche pour l’ensemble des sciences sociales, depuis l’entrée dans le XXIème siècle et avec une intensité accrue ces 5 dernières années. Elles renouvellent à la fois le questionnaire théorique et les données qui fondent les analyses des mondes sociaux sur le temps long. Cet essor est intimement lié aux préoccupations contemporaines grandissantes que nourrit la destruction par l’espèce humaine de son propre milieu de vie. Toutefois, l’historicisation des rapports des sociétés à leur environnement apparaît encore insuffisante, alors même qu’elle permet à la fois de tenir à distance de supposées évidences qui faussent les débat actuels et de faire émerger des concepts utiles à la relecture des relations entre les humains et les composantes de leur milieu de vie.
Dans ce moment d’ébullition des recherches et des logiques de financement qui mettent en avant l’étude des sociétés anciennes et de leur environnement, une discussion sur l’état du champ construit autour des problématiques environnementales apparaît nécessaire. Cette journée d’étude se propose de faire dialoguer des spécialistes issu·es de différentes disciplines et traditions académiques (archéologie, géographie, histoire et philosophie) ayant produit des réflexions et manié des outils différents (SIG, sédimentologie, palynologie, …) pour traiter de ces objets que sont les relations entre sociétés humaines et milieux dits naturels, mais aussi des discours qui les entourent.
Il s’agira d’expliciter les conditions de possibilités techniques et théoriques nécessaires à la réalisation d’études véritablement interdisciplinaires et transpériodiques. L’historicisation du processus d’anthropisation et l’analyse de ses traces seront au cœur des discussions, les différents types de documentation utilisés seront présentés en lien avec leurs biais techniques et théoriques.
Parmi les réflexions sur lesquelles se fonderont les discutant·e·s , on peut évoquer celle développée dans l’article de Dagomar Degroot et alii, « Towards a rigorous understanding of societal responses to climate change », Nature, 591, 25 mars 2021. Entre-Temps propose ici une traduction de son résumé :
Nombreux sont les travaux scientifiques actuels qui affirment qu’avant l’enclenchement du réchauffement anthropique, les changements climatiques naturels ont longtemps provoqué des crises de subsistance et, ponctuellement, des effondrements civilisationnels au sein des sociétés humaines. Ces recherches, que nous nommons « histoire du climat et de la société » (HCS), sont menées par des chercheurs issus d’une grande diversité de disciplines, et notamment des archéologues, des économistes, des généticiens, des géographes, des historiens, des linguistes et des paléoclimatologues. Nous soutenons que, malgré le vif intérêt dont bénéficie l’HCS, ce champ souffre de nombreux biais et, souvent, ne prend pas en considération les effets locaux et l’hétérogénéité spatio-temporelle des changements climatiques passés. Il ne prend pas non plus en compte les enjeux de l’interprétation des sources historiques. Nous proposons ici, pour observer les interactions entre le climat et la société, un modèle interdisciplinaire. Ce dernier met l’accent sur les mécanismes par lesquels le changement climatique a marqué l’histoire de l’humanité et souligne les incertitudes inhérentes à l’étude d’une telle influence pour différentes échelles spatio-temporelles. Nous le reconnaissons, le changement climatique a parfois eu des effets destructeurs sur les sociétés passées, mais l’application de notre modèle à de nombreuses études de cas révèle cinq façons qu’ont eu les populations de survivre – et souvent de prospérer – face aux pressions climatiques.
Toutes les informations sur la journée d’étude peuvent être retrouvées sur le site internet du Collège de France.
