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« Correspondances », archives souterraines

Projet documentaire fleuve, multimédia, du cinéaste Hervé Cohen, Correspondances (2017) va à la rencontre des passagers des métros de plusieurs villes du monde. Nous sommes invités à entrer en correspondance avec des hommes et des femmes qui voyagent sous terre, à Tokyo, Montréal, Paris, Santiago, Hong Kong, Vienne ou encore Stockholm. Le film, tentaculaire et pluriel, est présenté sous une forme hybride et numérique où se mêlent à la fois des expériences auditives et musicales inédites et une interaction profondément cinématographique avec les personnes filmées.

 

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La grande force du projet et du film – car c’en est un, un film étoilé, déroulé, au montage intuitif, libre, libéré par nos propres actions – est de répondre, par l’image et les récits récoltés, au vertige posé par les sociétés modernes, très vite perçu par les flâneurs de la fin du XIXe siècle : l’accélération des flux et des déplacements, l’implacable anonymisation des passants et des espaces qu’ils traversent. Hervé Cohen nous offre ce que nous sommes nombreuses et nombreux à avoir souhaité une fois, perdus dans les transports, aéroports et autres gares : taper sur l’épaule d’un anonyme, s’arrêter enfin de courir et de marcher à tout rompre, et écouter son histoire, sa pensée, ses rêves ouverts ou brisés. Si on peut regretter le manque de plusieurs villes non occidentales – Doha, au Qatar, vient tout juste d’inaugurer ses premières lignes de métro – on voit se dessiner, en cliquant sur les passants et en tendant l’oreille pour comprendre des bribes de leurs histoires, un portrait contemporain du passant, du passager, du voyageur étrange que nous sommes toutes et tous, peu ou prou, devenus : celui qui regarde son reflet dans les vitres des métros et des bus le temps d’un court trajet. Au fil de la navigation – terme qui prend ici tout son sens – Correspondances déploie un réel travail d’archives contemporaines, et renoue, en quelque sorte, avec de nombreux projets universalistes et archivistiques qui accompagnent l’histoire du visuel depuis le milieu du XIXe siècle. Écouter ces paroles amassées, hier anonymes, écouter les histoires de chacune et de chacun, les écouter dans ce qu’elles ont de commun et d’étranger, est aussi un puissant moyen d’effleurer le « bruit du temps » de notre époque – et d’imaginer combien, en fin de compte, au bout du trajet, la mutualité recueillie de ces archives souterraines, s’apparente à un gage d’avenir.

Vous pouvez commencer votre voyage en cliquant sur ce lien

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Description du projet :

« De Tokyo à Montréal, de Paris à Santiago, de Berlin à Hong Kong, Correspondances vous propose un voyage poétique au gré des rencontres avec les voyageurs des métros des quatre coins du monde.

Correspondances invite l’internaute à se placer dans la position d’un passager qui, au beau milieu d’une foule de voyageurs, s’arrête sur un visage, une attitude, intrigué, curieux et se demande « Qui est ce voyageur ? D’où vient-il ? Où va-t-il ? Qu’est ce qui l’anime ? Est-il heureux ? Qu’avons nous en commun ? A quoi pense-t-il ? ».

Au hasard d’un voyage, au détour d’une galerie souterraine ou sur une banquette en face de soi, l’internaute se voit offrir la possibilité d’entrer en communication avec les passagers de son choix, pour écouter une histoire personnelle, le récit d’un rêve, une pensée obsédante… et de créer ainsi une conversation à l’échelle mondiale, par delà les langues et les cultures.

Les voyageurs sont filmés durant leur trajet dans un style cinéma vérité, puis leur récit personnel est recueilli, uniquement au son. Leur voix est ensuite montée en off sur leurs images durant leur trajet, à la manière d’une voix intérieure.

Correspondances nous plonge dans différentes ambiances de métros et nous laisse percevoir le mouvement des foules, le défilé des rames, l’architecture des espaces, l’étrange beauté et la poésie qui s’en dégagent ainsi que l’atmosphère si particulière de chaque ville arpentée »

 

Publié le 10 mai 2019
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